aout1997
LA LETTRE

DE

S.O.S. PSYCHOLOGUE


NUMÉRO : 36 REVUE MENSUELLE AOÛT 1997



Au sommaire de ce numéro :

Auteur Titre de l'article
E. Graciela Pioton-Cimetti La vie est-elle un bien ou un mal ?
E. Graciela Pioton-Cimetti La vida es un bien ó un mal?
Florence Boisse Quand je serai né…(ou l'Ingénu)
Georges de Maleville La vie est-elle un bien ou un mal ?
Hervé Bernard La vie est-elle un bien ou un mal ?
Le courrier


La vie est-elle un bien ou un mal ?


       Sur ce problème essentiel pour l'humanité, bien des philosophes ou des écrivains ont formulé des opinions contradictoires.

       Pour Schopenhauer, la vie est effort, lutte et il en arrive à dire qu'elle est un mal, tandis que Leibnitz, réfutant les arguments du pessimisme, se convainc – ou essaie de se convaincre – de cette idée que l'existence est un bien.

       Pour sa part, Voltaire, alors qu'il était heureux, épanchait son optimisme dans son poème, Le mondain ; mais, par la suite, il ne semble plus voir autour de lui que des motifs de tristesse. Serait-ce parce qu'il a vieilli ou parce qu'il a eu des déboires dans sa vie sentimentale ou des démêlés avec Frédéric II ?

       Le désespoir contenu et néanmoins si poignant de Vigny, l'amertume que l'on pressent chez Leconte de Lisle malgré sa rigidité hautaine, les paroles désabusées, les cris d'angoisse de quelques écrivains encore plus près de nous sont autant de témoignages qui nous porteraient à penser que la vie est un mal.

       Nous-mêmes, que pouvons-nous en dire avec impartialité en oubliant, un instant, nos joies égoïstes et nos chagrins personnels ?

***

       De nombreuses raisons nous conduisent à penser que la vie est un mal :

Le mal physique

        La vie n'est qu'effort et lutte. Il est nécessaire pour la grande majorité des hommes de travailler parmi les obstacles qui se rencontrent quotidiennement avec l'altération de la santé, l'insuffisance des capacités, la fatigue, la décrépitude prématurée, la déformation professionnelle, l'altération du caractère…

        La douleur dont nous avons tous l'expérience. C'est une souffrance et une entrave à ce que la vie pourrait nous offrir : beauté, talents, capacités, affections…

        La maladie qui atteint indistinctement les êtres les plus intelligents – Nietzsche, par exemple, contracte une maladie grave pendant la guerre de 1870 – ou ceux qui ont le plus de mérite, de valeur morale.

       Voilà donc encore un facteur d'entrave qui ôte toute saveur à ce qui faisait jusque-là notre joie, et cela pour un temps quelquefois long, très long…

        Les disgrâces, la laideur qui paralysent l'être qui en est affligé et qui lui donnent un pénible sentiment d'infériorité. Elles font de lui un objet de moqueries ou de railleries cruelles qui peuvent s'étendre, hélas, sur toute la vie.

        Les infirmités congénitales, les tares, comme la surdité avec Beethoven, la cécité, la dégénérescence ou l'infériorité mentale.

        La décrépitude dont la crainte peut devenir une hantise laquelle peut en accroître la gravité.

        La mort qui frappe aveuglément les êtres jeunes ou les vieillards, ceux qui sont forts et ceux qui sont débiles ou encore les êtres d'élite comme les plus abjects.

       Outre cette énumération, il se trouve aussi des spectacles atroces tels que :

– la souffrance des êtres humains et des animaux autour de soi ;

– l'écrasement du plus faible avec cette loi de la jungle qui se retrouve à toutes les latitudes ;

– les catastrophes naturelles comme le tremblement de terre de Lisbonne, en 1755, qui a fait trente mille victimes ;

– les malheurs collectifs ou individuels qui sont imputables aux hommes : les guerres, l'exil, la tyrannie ;

– le paupérisme et ce qui l'accompagne avec les maladies et l'immoralité.

Le mal métaphysique

       L'homme est impuissant.

       Il porte le poids d'une hérédité qu'il n'a pas choisie et c'est pour cela qu'il n'est pas libre. En effet, il est souvent déterminé par cette hérédité, par sa santé, par son éducation, par toutes les influences qui s'exercent sur lui à son insu et par le milieu où il vit.

       Or cette absence de liberté lui donne une impression de dépendance et de faiblesse.

       C'est pour cela qu'il ne réalise que bien rarement ses désirs, ses ambitions ou ses rêves. Les plans les mieux conçus, les projets qui paraissent les plus sages apportent presque toujours des déceptions, souvent ils aboutissent à un échec ; parfois même ils se retournent contre lui pour en faire son malheur.

       En vérité, l'homme est faible, impuissant. Ses œuvres sont fragiles. Aucune trace de son passage sur la terre ne subsiste longtemps après lui. Il sera la proie de « mille formes rampantes et glaciales » : « c'est le déjeuner d'un petit ver que le cœur d'un prince », nous rappelle Pascal.

       Mais à l'impuissance, l'homme ajoute l'ignorance. Il ignore l'origine de l'univers au sein duquel il vit : « Que celui qui l'a fait t'explique l'univers ! », dit Lamartine. Il ignore sa destinée. Il ignore la raison d'être du malheur qui n'est pas le châtiment du vice et ce qui règle la marche du monde où il ne voit que hasard déconcertant. C'est ainsi que Voltaire nous le rappelle : « Lisbonne est abîmée et l'on danse à Paris. Eut-elle plus de vices que Paris plongé dans les délices ? »

       Tels sont, du point de vue métaphysique, les maux qui l'affligent et dont il semble bien qu'il ne pourra triompher.

Le mal moral

       L'homme est imparfait. Il en souffre, parce qu'il a l'idée et la notion de la perfection.

       Il porte en lui des tendances coupables, mais il s'y abandonne souvent. Bien entendu, il en éprouve de la honte, du remords. Il peut même en éprouver du regret tout en soulevant contre lui le ressentiment, la haine ou la vengeance.

La tristesse, douleur morale

       Elle provient de la difficulté de la vie en société. Nous sommes alors atteints dans notre dignité par des paroles vexatoires, des contraintes abusives ou dans notre réputation par des médisances ou des calomnies.

       Elle peut provenir aussi de l'amertume que donne le sentiment d'être l'artisan de son malheur par la négligence, l'imprudence, la maladresse ou tout simplement l'absence de clairvoyance…

       Le chagrin des parents qui sont impuissants à donner le bonheur à leurs enfants, la tristesse des déceptions sentimentales ou l'amertume d'être trahi par l'être aimé. La fragilité de l'amour même lorsqu'il est partagé. La solitude morale et le chagrin de la perte d'un être cher.

       Et finalement, la crainte, l'appréhension angoissante de ce qui suit la mort : « La barque est prête ; elle vogue là-bas, peut-être vers le grand néant. Mais qui veut s'embarquer vers ce peut-être ? » (Nietzsche)

***

       Pourtant, n'avons-nous pas quelques motifs d'admettre que la vie peut être considérée comme un bien ? Ne pouvons-nous pas réfuter certains arguments pessimistes ?

***

       Faisons donc la tentative de répondre à ces interrogations !

Dans le domaine physique

       La vie ?

       Si l'effort n'est pas disproportionné, il peut être accompagné de la satisfaction d'avoir triomphé.

       La maladie ?

       Il serait possible de dire qu'elle ne peut être que temporaire.

       Le chagrin de la décrépitude, de la déchéance physique ?

       Il serait moins douloureusement ressenti par ceux qui ont eu le bonheur de fonder une famille.

       La mort et son caractère tragique ?

       Il serait facile de s'y résigner si l'on songe qu'elle frappe tous les êtres.

Dans le domaine moral

       Si l'homme n'a pas d'ambitions démesurées, il peut quelquefois réaliser ses desseins et connaître la joie de la réussite. Le travail, s'il est proportionné aux forces et en accord avec ses goûts, peut donner des satisfactions.

       L'art peut donner des joies, car c'est un plaisir, effectivement, de s'entourer de jolies choses, de contempler des œuvres d'art, d'entendre la musique pleine d'allégresse ou de mélancolie.

       La nature avec la majesté de ses horizons immenses, quant à elle, peut donner une impression d'apaisement par son calme et son silence. Elle peut être un refuge, une retraite pour nous isoler ou nous prêter à la rêverie ou à la méditation.

       Naturellement, il existe l'amitié, telle que la conçoit Montaigne, qui peut procurer des joies ; le désintéressement qui peut donner un certain bonheur ; les joies que peut procurer la famille.

       Et, enfin, ceux qui ont la foi ne sembleraient pas redouter la mort… Bernardin de Saint-Pierre le confirme : « Il y a un Dieu, mon fils : toute la nature l'annonce et je n'ai pas besoin de vous le prouver »…

***

       Pour avoir le courage de supporter les navrantes déceptions et les cruelles épreuves qu'apporte le destin et pour nous masquer notre issue fatale, peut-être faudrait-il élever le ton de la vie par un accent de noblesse morale. Dans les jours de malheur où nous serons tentés de maudire la vie, sur le point de sombrer dans le désespoir ou de nous révolter contre le destin, peut-être pourrons-nous trouver un apaisement dans la pensée que l'essentiel n'est pas seulement d'être heureux, mais d'être grand par les conceptions de la pensée et la vaillance du cœur.

***

       Selon mon expérience clinique, ce qui fait vivre la vie comme un mal, c'est la souffrance névrotique avec deux modèles de présentation : discours dépressif et discours maniaque.

       Dans le premier cas, c'est moi le coupable de tout y compris le fait que Ève ait mangé la pomme qui lui avait été offert par le méchant archange jaloux des hommes.

       Dans le discours maniaque, les coupables sont les autres.

       En règle générale, ce sont les deux types de discours que nous écoutons lors de la première séance avec un nouveau patient.

       Dans les deux cas, l'histoire est telle qu'elle est racontée. Naturellement, elle est pleine de trous qui vont se remplir au fur et à mesure que progresse l'analyse. Ce n'est que beaucoup plus tard et avec la conscience convenablement élargie que nous pourrons parler objectivement des innocents et des coupables. Après ce premier tri, nous allons découvrir qu'il ne s'agit pas de coupables ou d'innocents, mais de responsables et d'irresponsables.

       Où est la différence ?

       Être responsable signifie avoir la conscience suffisamment développée pour que le sens éthique soit éveillé, c'est-à-dire que nous sommes coupables lorsque nous sommes conscients. Pour certaines personnes, le choix de se faire mal ou de faire mal aux autres est un « acte ». En revanche, pour d'autres personnes dont le niveau de conscience est limité ou inexistant, le choix de se faire mal ou de faire mal aux autres n'est qu'une « réaction » conditionnée par des éléments extérieurs.

       Il est flagrant de voir chez un patient au cours de son analyse l'éveil d'un processus d'humanisation, d'individuation, d'hominisation ou de conscientisation – selon le terme utilisé par chacun d'entre nous – et dans lequel la conscience s'élargit et où apparaît l'éthique devenant fortement angoissée par le fait de ne pouvoir comprendre aujourd'hui les erreurs qu'il avait commises dans sa vie passée.

        L'expérience est très douloureuse, sinon effrayante.

        Il voit son passé sans pouvoir le changer. La lutte contre l'angoisse du remords devient parfois impossible d'être secondarisée et des troubles somatiques viennent au secours en prenant la forme de symptômes qui doivent être écoutés et symbolisés. Cette étape demande beaucoup de travail de symbolisation ! C'est à ce niveau où de nombreuses analyses s'arrêtent, car le symptôme s'organise comme solution de punition et la symbolisation n'est pas acceptée comme recours de guérison.

        « La culpabilité est un piège de l'orgueil – est-il dit –, ce n'est que le remords qui est vrai. »

       D'accord. Mais comment différencier l'un de l'autre ? Le remords est lié, aujourd'hui, à ce qui devient intolérable pour l'être devenu conscient.

       Ses crimes ? Que faire pour vivre avec ses crimes sans…détruire ?

        Le passé ne peut pas être refait, mais il pourra être lu autrement. Il ne s'agit pas de se construire de nouveaux arguments de justification. Cela ne ferait que produire une rechute dans la névrose, mais il faudrait accepter l'horreur de la situation actuelle et l'irréversibilité de l'histoire. Il ne s'agit pas non plus de se résigner et de mourir spirituellement et moralement pour se punir de ses crimes. Il s'agit d'aller se battre, accompagné par son analyste, si possible, et de se submerger dans les souvenirs catastrophiques pour comprendre à quoi ont pu servir ces crimes.

***

       Pour cela et pour ne pas s'évader, il faut un travail minutieux et ferme de pratique analytique et de confrontation avec l'inconscient et ses démons… Or il se peut que nous trouvions aussi des anges et, parfois, des explications cohérentes sur les événements vécus comme des solutions un jour et, étant aujourd'hui à la lumière de l'évolution, les chemins uniques pour la survie de soi et des autres.

       J'ai connu quelqu'un qui avait préféré laisser sa famille pour habiter ailleurs et éviter ainsi de se suicider ou de tuer. La vie de cette personne était devenue un enfer après son départ, mais elle tenait à son projet de créer pour sa famille un « monde nouveau » dans lequel elle n'accepterait plus les agresseurs. En réalité, c'était une personne très forte, mais le sureffort de la recréation l'avait conduite à refouler toute représentation déstabilisante, notamment tout ce qui pouvait éviter la répression de ses émotions. Une fois son but acquis et ayant réussi une nouvelle situation, le patient en question a chuté dans une phobie dont aujourd'hui encore il se bat pour la vaincre.

       De toute façon, cette personne a réussi à remplacer un suicide par une hystéro-phobie. Le patient est très discipliné et il ne veut pas revenir en arrière. Il vit en état de « pratique de l'inconscient ». La censure se manifeste au niveau d'une très grande prudence dans l'action au quotidien. Par ailleurs, il rêve beaucoup et travaille sciemment ses rêves, reconnaissant en lui une seconde vie dont l'écoute lui permettra d'avancer dans des situations phobiques qui l'assiègent facilement pendant l'état d'éveil.

***

       Quand j'ai commencé mon article en espagnol en disant que la vie n'est pas un mal, ni un bien. C'est une force, une énergie pure et c'est nous qui aidons à la rendre plus ou moins bonne, j'avais déjà dans un état de semi-conscience ce cas clinique. C'était un patient au courage étonnant. Sa vie a été aussi cruelle que merveilleuse. Il l'a vécue comme s'il était sur un bateau. Il a dû tenir le gouvernail sans se décourager, en se contentant d'un frugal repas après chaque tempête.

       Il a vécu dans le silence sans jamais se défendre, ni se justifier. Sans jamais culpabiliser les autres, mais en se culpabilisant. Bientôt, avec son rythme régulier, sa volonté de ne pas revenir en arrière, si ce n'est pour mieux contempler et comprendre, la route devient pour lui ouverte. Au fur et à mesure que les mouvements de régression, de contemplation, de compréhension et de progression s'accélèrent, sa phobie devient moins lourde à porter et elle est comprise plutôt comme un système de défense compensatoire que comme un trouble névrotique, après avoir traversé de grands malheurs sans se laisser troubler.

       Je me souviens d'avoir écouté, vers les années 70, Carl Rogers dire : « Si le patient a un but, il est potentiellement guéri. »

       Courage à nous tous donc. Faisons-nous la vérité : nous sommes les architectes de notre destin…

***

       Par rapport à toi, je n'ai rien à ajouter, car tu ressens la vie comme moi. J'espère qu'elle sera longue et plus facile, vécue en bonne santé…

       Il vient de me traverser une réflexion amère : ma méfiance reprend le dessus. Il faut que je travaille mes fantasmes, mes haines, les rancunes que j'accumule face aux injustices. La vie a pour nous, toi et moi, au-delà du fait qu'elle soit un bien ou un mal, un sens. Pour nous, c'est « servir » les autres et à nous-mêmes, tel que nous aimerions être servis, respectés et considérés. Je suis d'accord, mais comme l'être humain peut être limité ! Parfois, je me sens si impuissante ! La souffrance des autres est toujours plus pénible pour nous que la nôtre, car nous connaissons nos forces et nous avons envie de nous battre.

       Oui, je déteste le monde et les gens mesquins, égoïstes et bavards qui perdent le temps d'exister dans le plaisir morbide de se plaindre de tout.

       Je ne pense pas aux névrosés qui souffrent objectivement, mais aux autres, ceux qui flottent dans l'ennui sans jamais dire merci. Merci à qui ? Il existe toujours quelqu'un à remercier dans une tentative consciente pour devenir un peu plus généreux et un peu moins nombriliste.

       Le secret d'une vie plus positive, c'est le partage. Est-ce que je crois au partage ?

       Peut-être, mais plus encore à la complémentarité, c'est-à-dire quand tu vis la vie comme un mal, je te tire par les cheveux pour venir nager dans un lac et quand je plonge dans l'unique douleur de la vie qui est pour moi horrifiante – la séparation –, tu me tires par les cheveux vers une dimension de rencontre spirituelle possible avec les êtres aimés qui sont partis ou distants et l'équilibre se rétablit.


Fait à Paris, le 6 juillet 1997
avec beaucoup de cœur et de sincérité.
Il fait beau sous un ciel parsemé de nuages.

E. GRACIELA PIOTON-CIMETTI


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La vida es un bien ó un mal?


       Sobre ese problema esencial para la humanidad, muchos son los filósofos y escritores que han formulado opiniones contradictorias.

       Para Schopenhauer la vida es esfuerzo, lucha y llega a decir que ella es un mal, mientras que para Leibnitz, respetando los argumentos del pesimismo la existencia es un bien.

       Para Voltaire, cuando él estaba contento, expandía su optimismo como en su poema Le mondain (el mundano) pero luego en torno de él no parece haber habido sino motivos de tristeza. ¿Tal vez porque había envejecido o porque había tenido desilusiones en su vida sentimental ó tal vez conflictos con Frederico II?

       La desesperanza contenida y dolorosa de de Vigny, la amargura que expresa Leconte de Lisle a pesar de su rigidez despreciativa, las palabras excesivas, y los gritos de angustia de ciertos escritores aún más cerca de nuestro tiempo son testimonios que nos llevan a pensar que la vida es un mal.

       Nosotros mismos, ¿qué podemos decir imparcialmente, olvidando un instante nuestras alegrías egoístas y nuestras íntimas penas?

***

       Múltiples razones nos conducen a pensar que la vida es un mal:

El mal físico

       La vida es esfuerzo, lucha. Para muchos es necesario trabajar en medios que exponen su salud. Además pensemos en otros tipos de mal: la insuficiente capacidad, el cansancio, la decrepitud prematura, la deformación profesional, las alteraciones del carácter.

       El dolor, que conocemos todos, es un sufrimiento y un obstáculo para disfrutar de las cosas que la vida puede ofrecernos: belleza, talento, capacidades, afectos…

       La enfermedad ataca, sin discriminar aún a los seres más inteligentes, los que tienen más méritos y más netos valores morales. La enfermedad no es sino un obstáculo más, como lo son las malformaciones físicas y la fealdad que provocan sentimientos de inferioridad y el ser que los padece es frecuentemente objeto de burlas ó apelativos que lo marcarán, en muchos casos, para toda la vida.

       Las enfermedades congénitas, las taras, la sordera como Beethoven, la ceguera, la degeneración o la debilidad mental.

       La decrepitud en la cual el miedo puedo constituirse en terror que acrecenta la gravedad.

       La muerte que ataca ciegamente tanto los jóvenes como los ancianos, los débiles como los fuertes y los seres de élite tanto como los más abyectos.

       Y más allá de esta lista se encuentran también los espectáculos atroces:

– El sufrimiento de los seres humanos y de los animales de nuestro entorno.

– La destrucción de los más débiles, los menos aptos según esa ley de la selva que existe en todos las latitudes.

– Las catástrofes naturales como por ejemplo los terremotos. En el año 1755, en Lisboa, el terremoto hizo 30 000 víctimas.

– Los males colectivos ó individuales que son imputables al hombre, la guerra, el exilio, la tiranía.

– El pauperismo y lo que engendra: enfermedades e inmoralidad.

El mal metafísico

       El hombre es impotente. Él lleva en sí el peso de una herencia que no ha elegido y por ésto no es libre. Él está frecuentemente marcado por su herencia, tanto como por su salud, por su educación y por las influencias que se ejercen sobre él, a partir de sí mismo tanto como del ambiente en el que vive.

       Ahora bien, es ésta ausencia de libertad que le da impresión de dependencia y de debilidad. Es por ésto que él satisface raramente sus deseos, sus ambiciones y sus sueños. Los planes mejor concebidos los proyectos que parecen los más sabios le aportan, casi siempre, decepciones a veces fracasos, a veces se vuelven contra él y constituyen un mal.

       En realidad, el hombre es débil e impotente. Sus obras son frágiles. Ninguna traza subsiste de su pasaje por la tierra después de su partida. Él será el objeto de mil formas rastreras y glaciales: c'est le déjeuner d'un petit ver que le cœur d'un prince (el corazón de un principe es solamente el almuerzo de un gusano), nos dice Pascal. Pero a la impotencia del hombre se agrega su ignorancia.

       Él ignora el origen del universo en el que vive: «Que quien hizo el universo lo explique!» nos dice Lamartine. El hombre ignora su destino, ignora la razón de ser de sus desgracias que no es sino el castigo de los errores y los vicios de la organización del mundo, él no percibe más que el azar desconcertante. Es por eso que Voltaire nos dice: «Lisboa está destruida y Paris danza ¿Tuvo ella más vicios que Paris hundida en sus delicias?»

       Esos son desde el punto de vista metafísico los males que afligen al hombre y los que parecerían invencibles.

El mal moral

       El hombre es imperfecto y sufre porque tiene la idea y la noción de la perfección.

       Él lleva en sí mismo tendencias culpables a las que se abandona con frecuencia. Naturalmente, entonces siente vergüenza y remordimiento.

       Él puede también sentir arrepentimiento y hacerse objeto de su propio resentimiento, de su odio, de su deseo de venganza contra esa parte odiosa de sí mismo.

La tristeza, dolor moral

       Ella tiene su origen en las dificultades de vida social. Entonces somos heridos en nuestra dignidad por palabras que nos vejan, por acciones abusivas ó a veces y aún más grave malheridos en nuestra reputación por la maledicencia y las calumnias.

       La tristeza puede originarse también en la amargura que da el sentimiento de ser el artesano de nuestras propias desgracias por negligencia, imprudencia, inconducta o simplemente falta de capacidad para ver claro.

       La pena de los padres que se sienten incapaces de dar la felicidad a sus hijos, la tristeza de las decepciones sentimentales, la amargura de verse traicionado por el ser amado, la fragilidad del amor, incluso cuando él es compartido y «last but no least», en fin la soledad moral y el horror de la pérdida de un ser amado.

       …Y finalmente el temor, la aprehensión angustiante de eso que tal vez seguirá a la muerte. «El barco está listo, navega allá, tal vez hacia la gran nada. ¿Pero quién querría embarcarse hacia ese tal vez?» nos dice Nietzsche.

***

       Sin embargo nosotros tenemos ciertas razones para considerar a la vida como un bien y tal vez podamos refutar algunos de los argumentos pesimistas.

***

       ¡Tratemos entonces de responder a éstas interrogaciones!

En el dominio físico

       ¿La vida?

       Si el esfuerzo no es desproporcionado puede verse acompañado por la satisfacción de haber triunfado.

       ¿La enfermedad?

       Ella puede ser transitoria.

       ¿El dolor de la decrepitud, de la decadencia física?

       Será menos dolorosamente sentido por aquellos que tienen la felicidad de haber fundado una familia que los considera, cuida y respeta.

       ¿La muerte y su carácter trágico?

       Sería fácil resignarse si se acepta que alcanza a todos los seres humanos por igual.

En el dominio moral

       Si el hombre no tiene ambiciones desmesuradas él podrá, a veces realizar sus proyectos y triunfar. Así como el trabajo, si éste es proporcional a sus capacidades y gustos será fuente de satisfacciones.

       El arte puede ser fuente de alegría, de placer: crear, rodearse de cosas bellas, escuchar una música alegre o melancólica pero equilibrante.

       La naturaleza con su majestad y sus horizontes inmensos apacigua por su calma, sus silencios y sus murmullos naturales. Ella puede ser un refugio en el que estaremos más dispuestos a soñar, a reflexionar y a meditar.

       Naturalmente, existe la amistad tal como la concibe Montaigne que nos procura alegrías y una felicidad desinteresada y las infinitas satisfacciones que puede darnos nuestra familia.

       En fin, ésos que tienen la fe no temen a la muerte… Bernardin de Saint Pierre afirma: «Hay un Dios hijo mío, toda la naturaleza lo anuncia y yo no tengo necesidad de provárselo»…

***

       Para mi la vida no es ni un bien ni un mal, simplemente es una fuerza, une energía pura y como tal no tiene ni signo positivo ni negativo.

       Un día ella se manifiesta en la primera respiración y otro nos deja marcándonos con el signo de la última respiración.

       Un poeta, ya no recuerdo el nombre decía que «vestidos de blanco llegamos al mundo, vestidos de blanco también lo dejamos y en el intermedio lírico y romántico, son blancos, muy blancos los velos nupciales.»

       Tal vez sea blanco el color de la vida cuando atravesamos buenos momentos pero bien negro cuando son malos.

       De todas maneras la vida es un movimiento dialéctico permanente entre el Eros y el Tanatos, entre el instinto de vida y el instinto de muerte.

       La ataraxia no existe en el realidad. Para alimentarnos y sobrevivir destruimos. Muerdo una roja manzana: rompo un equilibrio, una armonía. La ingiero y al hacerlo creo un nuevo equilibrio, una nueva armonía. La tensión creada por el hambre desaparece, me siento ahora dispuesta a realizar un esfuerzo, a mejor seguir viviendo.

       Todo éste ir y venir de tensiones, conflictos y gratificaciones ocurre a nivel casi inconsciente.

       De todas maneras la vida es tendencia al equilibrio. Luego lo que hace que ella sea vivida como un mal proviene de un desequilibrio que está actuando también cuando se la ve sólo como un bien.

       En el primer caso, la percepción de la vida como un mal, como una cruz inmerecida, proviene del hecho de vivir en estado de «posición depresiva». En el mejor de los casos, para éste tipo de hombre, si hay en la vida ciertas cosas bellas ellas solo pertenecen al pasado, es decir que «todo tiempo pasado fue mejor». El protagonista no percibe su presente sino a través del velo de su depresión existencial. A veces trata de comprender el futuro y entonces saliendo de su marasmo crea proyectos.

       A veces los realiza pero eso no cambia su posición depresiva dado que siempre le falta algo y se dice «pudo ser mejor» ó «¿y ahora qué?»

       La posición depresiva está patológicamente ligada a la melancolía. Al otro extremo encontramos la posición maníaca, el sentimiento feroz de poder vencer a la muerte, muerte que se presentará sin duda tanto para el depresivo como para el maníaco; de vencerla a través de la acción y la realización de proyectos. Para éste individuo no hay fracasos porque siempre tendrá el tiempo de transformarlos en éxitos ó se contará cuentos a sí mismo.

       Dice Spinoza que «no podemos imaginar nuestra propia muerte», yo me interrogo sobre el hecho de si podemos contemplar nuestra propia vida.

       La vida nos mira mientras nos suministra la respiración, extrañándose de nuestra insolente pretensión de juzgarla como un bien ó como un mal. Ella esta ahí, dispuesta siempre a ser utilizada.

       Pero nosotros no nos vemos en nuestra real situación de convertirla en el chivo expiatorio de nuestros estados de ánimo y de los hechos que irremediablemente, buenos ó malos, vienen del exterior.

       Perdemos en gran parte nuestra capacidad de disfrutarla cuando nos preguntamos si somos felices o si estamos tristes. ¿Porqué querer suspender el curso de ése río infinito que viene de la eternidad y la reencuentra a cada instante?

       Las estaciones se suceden, los niños nacen, y las flores, y los animales…y otros mueren; ¿y la vida? La vida está ahí, aún en la muerte transformándolo todo sin destruir porque ella no puede destruirse a sí misma.

***

       Para tener el coraje de soportar las decepciones y las pruebas crueles que trae el destino y para alterarnos menos por nuestro fin fatal, tal vez deberíamos elevar el tono de nuestra vida poniéndole una pizca de nobleza moral.

       En los días enlutados en los cuales nos sentiremos tentados de maldecir la vida hasta el punto de hundirnos en la desesperanza y sublevarnos contra el destino tal vez podremos encontrar algo de paz pensando que lo esencial no es solamente ser feliz sino ser grande por las concepciones del pensamiento y el coraje del corazón.

***

       En fin, para finalizar, prefiero que lo escuchen a Amado Nervo y no a mi:

Artifex vitae, artifex sui

Muy cerca de mi ocaso, yo te bendigo, vida,
porque nunca me diste ni esperanza fallida,
ni trabajos injustos, ni pena inmerecida;
porque veo al final de mi rudo camino
que yo fui el arquitecto de mi propio destino;
que si extraje las mieles o la hiel de las cosas,
fue porque en ellas puse hiel o mieles sabrosas:
cuando planté rosales coseché siempre rosas.
…Cierto, a mis lozanías va a seguir el invierno:
¡más tú no me dijiste que mayo fuese eterno!
Hallé sin duda largas las noches de mis penas;
más no me prometiste tan sólo noches buenas;
y en cambio tuve algunas santamente serenas…
Amé, fui amado, el sol acarició mi faz.
¡Vida, nada me debes! ¡Vida, estamos en paz!


Hecho en París, el 6 de julio de1997
con sentimiento y sinceridad.
Es un día lindo con un cielo salpicado de nubes.

E. GRACIELA PIOTON-CIMETTI


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Quand je serai né…(ou l'Ingénu)


       Moi qui suis si bien dans mon milieu chaud et liquidien, je ne me pose pas la question : la vie est-elle un bien ou un mal ? J'attends simplement la becquée qui m'arrive quotidiennement. J'ai le droit de sucer mon pouce sans être critiqué. La vie est belle, bien sûr : pas de nuisances sonores, car tous les bruits sont filtrés. Les toussotements et borborygmes environnants me font rire lorsqu'ils ne me réveillent pas !

       Je suis doucement transporté et bercé à longueur de journée et la nuit, je m'amuse follement à contacter par télépathie les rêves plutôt hétéroclites de ma mère. Je dois avouer que je clos la connexion lorsqu'il s'agit de cauchemars.

       — Tu vois, la vie n'est pas si idyllique que cela. Tu dois régulièrement affronter les événements pénibles ; et lorsqu'ils sont passés, ce sont leurs souvenirs qui t'assaillent.

       — Peut-être, mais je compte sur vous, mes parents, pour me donner la force et la volonté de me conduire en héros des temps modernes. C'est une question de préparation et d'habitude. En fait, je compte sur vous pour, à l'avenir, ne plus avoir à compter sur vous !

       — Le schéma est loin d'être aussi simple. On a coutume de dire qu'il est « semé d'embûches ».

       Tes parents peuvent t'aimer, te choyer, te montrer le plus objectivement possible les différentes facettes du monde, ils ne sont pas parfaits. Eux-mêmes font partie d'une longue lignée d'individus partiaux qui les a influencés et qui exerce encore une pression morale plus ou moins forte. Ils n'ont pas réponse à tout.

       — J'ai cru comprendre que la société complétait bien le champ de vision parental.

       — Il n'y a pas, là encore, une seule société avec des normes uniques. Ces dernières, au contraire, changent selon le lieu, le régime politique, la vie religieuse, la géographie, l'histoire…

       Pour commencer, tu vas pénétrer les règles du système éducatif social. L'école permet de s'ouvrir aux préoccupations des autres, aux futures obligations, aux récompenses et aux sanctions. Tout n'est pas rose ! À cette échelle, c'est le croche-pied du petit camarade qui fait pleurer, c'est la mauvaise note. Plus tard, ce sera les difficultés d'obtention d'un diplôme, de choix de vie professionnelle, de confrontation au système économique et à ses exigences…

       Tu abordes aussi les relations amicales, puis les franches amitiés, les amourettes et les grands amours qui peuvent également faire souffrir.

       Tu dois gérer tes motivations, tes envies de paresse, de « tout laisser tomber », tes chutes dans la déprime et ta volonté de te battre, de relever tes défis personnels.

       Les aléas de ta santé t'accompagnent pendant tout ce temps et tu dois encore y faire face.

       — Je viens d'un monde où tous ces événements font sourire. Je peux me permettre d'avoir du recul, car je ne suis pas encore complètement impliqué. La société ne m'a pas encore inscrit dans ses fiches d'état civil et pourtant j'ai déjà des droits. Notamment, celui de me prêter une faculté d'expression.

       Si je décide de naître, c'est que je l'ai voulu. ça n'a pas été facile au début, mais j'ai tenu bon.

       La vie est faite de choix difficiles à faire, c'est vrai. Mais, bien souvent, c'est l'hésitation et le regret qui l'enveniment.

       La vie, c'est « avancer ». Avancer vers l'avenir sans nécessairement se projeter dans l'avenir, car il y a tant de facteurs de changement.

       Avancer, c'est aussi s'appuyer sur l'acquis sans rester enlisé dans les regrets, les expériences dites malchanceuses. Par rapport à qui et à quoi ? Les traumatismes, les sentiments d'injustice…

       — C'est facile à dire : il s'agirait, en quelque sorte, d'oublier le passé.

       — Il n'est pas question d'en faire l'omission ; il s'agit de lui trouver un sens et de le rendre utile.

       On peut se pencher sur sa propre histoire pour en tirer parti.

       Le regret est bien plus douloureux que l'événement. La culpabilité, la honte font naître des haines, des rancunes, des projections, des somatisations, des absences relationnelles qui, elles-mêmes, engendrent des incompréhensions, de fausses interprétations de l'entourage. Quel cercle vicieux !

       Dans mon monde de jadis, où je contactais tous ces inconscients surchargés, où je constatais ces violentes poussées de l'inconscient – rêves, actes manqués, lapsus… – qui surgissaient inopinément dans le conscient, je me disais alors : « C'est pourtant si simple d'être clair et honnête avec soi-même, de s'alléger des souffrances passées qui, précisément, sont passées ; non pas en les écartant, mais en les intégrant dans notre histoire au même titre que nos moments de grande joie ».

       Je lisais, l'autre jour, avec les yeux de ma mère un article traitant du deuil. Une psychanalyste expliquait que, plutôt que de s'évertuer à « faire le deuil » d'un être cher, il valait mieux apprendre à vivre avec. Quel bon sens !

       Je sais qu'en naissant je suis condamné à mourir, à voir mourir. Je ne vais pas m'empresser de l'oublier, mais je vais apprendre à vivre avec ces étapes.

       — De jolis concepts que tout cela ! Dans la réalité, les sentiments sont là pour nous rappeler notre tristesse.

       — Comme ils sont là pour nous rappeler notre joie ! C'est incroyable cette faculté de l'être humain de ne concevoir qu'un seul côté de la vie, si possible, le plus désagréable.

       Or il s'agit de simples « moments » !

       Nous sommes des voyageurs. Chaque voyage ne fait pas de nous un personnage unique. Sinon, dans vingt ans, je serai encore cet être non terminé, dépendant du bon vouloir et de la santé de l'autre, transporté dans des lieux que je n'ai pas choisis.

       En attendant, j'ai suffisamment parlé. Je vais maintenant profiter de ces périodes uniques de douce chaleur et de farniente. Car c'est cela aussi, « voir la vie du bon côté » : c'est savoir profiter de ce qu'on a, surtout quand on a réussi à l'avoir au prix d'efforts louables !


Florence et Fils

FLORENCE BOISSE


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La vie est-elle un bien ou un mal ?


       Quelle question !

       C'est l'exemple-type de la question mal posée. Et pourtant elle mérite examen puisque tant de gens se la posent…

       Ceci amène à s'interroger, non sur la réponse, mais sur le cheminement que prend la question en moi jusqu'à devenir, éventuellement, un problème angoissant, et alors insoluble.

       Chacun a connu, ou peut connaître, ces périodes de dégoût de tout où la vie paraît plate et écœurante, puis, rapidement, négative et insupportable. Chaque nouvel événement apparaît, alors, comme une agression contre la vie même, et en renforce le caractère oppressant, insupportable.

       La dépression s'installe. Mais dans la dépression, il y l'idée de pression. Si, pour une raison quelconque, survient en moi une hémorragie émotive entraînant une chute brutale de mon tonus, je ne parviens plus à exercer sur le monde une pression favorable aux intérêts de ma vie. Je n'ai plus la force de repousser la pression qu'exerce sur moi la force des événements contraires et ceux-ci pénètrent en moi.

       Je dis que je déprime. En fait, c'est le monde extérieur qui m'opprime. Il me presse et j'ai perdu la force de lui résister.

       C'est alors – et alors seulement – que surgit en moi la question de la bonté ou de la « mauvaiseté » de la vie. Elle ne se posait pas auparavant, si ce n'est en termes philosophiques tout à fait abstraits et dénués d'incidences réelles.

       La vie était « belle » parce que j'obtenais d'elle la satisfaction de mes désirs, et voilà qu'elle devient « sombre » parce que j'accumule des échecs que je ne parviens pas à surmonter et que je n'arrive plus à trouver ma place dans ce monde.

       À ce stade il me devient évident, si je parviens à prendre un peu de distance par rapport à l'événement – l'analyse a, précisément, pour fonction de me permettre cet éloignement – que la question de savoir si la vie est un bien ou un mal en soi dépend uniquement de la coloration de ma vie. J'y flotte sur des nuages « roses » ou des nuages « noirs » selon des circonstances qui me sont pour une large part étrangères.

       Mais la vie, la vie tout court, cette force formidable, qui nous pousse à continuer, à vivre pour vivre tout simplement, où est-elle dans cette analyse si pessimiste soit-elle ?

       Celui pour lequel la vie est totalement « un mal », et qui décide, en conséquence, de se suicider, ne veut pas vraiment fuir la vie, même s'il en est persuadé : il veut tout simplement supprimer sa vie dans certaines circonstances qui lui font mal. C'est le mal qu'il refuse, et jamais la vie, même s'il croit le contraire.

       Et il suffira pour lui que les circonstances changent ou que sa souffrance s'atténue pour que le goût de la vie reprenne.

       La vie est une donnée immédiate et élémentaire de ma conscience. La « non-vie » est inconcevable et ne s'imagine que par voie de retranchement par rapport à la vie elle-même. « L'instinct de mort » (Thanatos) ne s'exprime lui-même que par antithèses : « pas cela », « autre chose », « ailleurs », « autrement ». Il m'appartient de faire de ma vie « un bien » pour moi-même et pour les autres, et s'il advient que ma vie devienne « un mal » j'en serai, au moins pour partie, responsable. Mais la vie elle-même, force surhumaine, ne supporte pas de qualificatifs : elle n'a qu'un goût.


GEORGES DE MALEVILLE


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La vie est-elle un bien ou un mal ?


       La vie, c'est l'ici et maintenant. Le moment présent dans sa réalité physique et psychique, la conscience de l'instant qui passe. La vie, c'est aussi les sentiments qu'on éprouve, une souffrance en sourdine dans la solitude ou des émotions partagées avec des proches, des sensations de froid, de chaud, de douceur…

       Faut-il considérer la vie comme un bien quand « tout va », et plus tard comme un mal face à un événement désagréable imprévu où tout « s'écroule » ?

       La vie semble être une succession de moments de tonalité variable, agréable, désagréable, neutre…

       Mais n'est-elle pas autre chose qu'une simple juxtaposition, une accumulation de moments qui s'articulent pour constituer un vécu ? N'existe-t-il pas une totalité, une dimension unifiante, une forme de structure qui confère à la vie d'une personne sa spécificité, sa singularité, qui la rend incomparable à toute autre vie ?

       En effet, la vie est un mouvement, une dynamique qui rebondit au gré des événements extérieurs et intérieurs, des rencontres avec autrui, des états d'âme, des préoccupations, des motivations et dont le carburant est constitué de fantasmes et désirs conscients et inconscients qui nous habitent.

       Si l'homme a le choix de conduire sa vie, de choisir un projet de vie et de le réaliser, il doit se soumettre au principe de réalité, le monde extérieur et à la réalité psychique, le psychisme conçu comme une structure avec des contraintes et ses propres lois. Si l'homme a acquis assez d'autonomie pour (re)connaître son désir et le satisfaire à partir d'objets extérieurs, il pourra élaborer et construire le chemin pouvant le mener au but fixé. Si celui-ci est freiné dans son mouvement pulsionnel, par un surmoi trop écrasant ou par une mauvaise perception de la réalité, la réalisation de ses fantasmes deviendra aléatoire, voire bloquée dans une répétition névrotique avec son lot de souffrance et de frustrations vécues comme telles ou converties en maux plus somatiques.

       S'il est bien difficile d'approcher la question « La vie est-elle un bien ou un mal ? », au moins la recherche d'une ou de plusieurs réponses peut motiver une réflexion sur la conduite, bonne ou mauvaise, de sa propre vie, et ainsi juger du bien-fondé de telle attitude ou du choix de tel chemin à un moment donné.

       Dans ce cas, pourquoi ne pas se poser la question au présent, sous la forme d'un questionnement conscient, mais second par rapport à la réalité de l'instant vécu ? Ne juge-t-on pas mieux une action que dans l'instant accessible à la réflexion ? Certes, il est difficile penser à tous les moments vécus. Même l'esprit et le corps ont besoin de s'abandonner de temps en temps, de faire le vide. La vie n'est pas uniquement une succession de croisements. Elle comporte des portions droites ou courbes, sans dérivation possible, sans échappatoire, car nous sommes liés à nos proches, aux règles sociales, qui nous imposent une certaine conduite.

       « La question est insoluble, mais elle est aussi transformante. »


HERVÉ BERNARD


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Le courrier



       « Je pense que ce site est intéressant et très utile pour beaucoup de monde.

       Un des articles qui m'a intéressé est celui du mal-être. Un sujet qui me tient à cœur et que j'apprécierais s'il était traité, je pense qu'il concerne pas mal de monde.

       J'ai un ami auquel je tiens beaucoup (mais je ne sors pas avec), mais que j'ai très peur de perdre. Alors je m'accroche, j'ai peur quand il part qu'il trouve d'autres amies et qu'il se fiche de moi…

       Cela m'intéresserait s'il paraissait un article sur ce sujet, et je vous serais reconnaissante de m'en avertir à l'adresse [e-mail]. Merci. »

par N. C.

       Dans une première approche, il serait approprié de faire un travail sur vous-même pour arriver à être consciente de votre valeur.

Si vous êtes sûre de vous-même, vous serez sûre de pouvoir garder celui que vous aimez en toute liberté. Si vous avez confiance en ce que vous pouvez donner, l'autre ne pourra que revenir. Loin de lui de se moquer de vous !

Ne regardez pas les autres comme des rivaux potentiels, mais regardez vous vous-même comme quelqu'un capable d'exister et d'être.

L'équipe de S.O.S. Psychologue

***

       Nous venons de recevoir le texte d'un de nos adhérents dont la longueur ne nous permet pas sa reproduction intégrale. Nous essaierons donc de synthétiser les aspects les plus importants de sa conception, avec le souci de rester fidèle à sa propre philosophie.

       Précisons que c'est avec plaisir que nous recevons toute communication et avis de nos lecteurs.

Proposition d'un remède au mal-être

       On peut isoler trois catégories dans la caractérologie humaine. Chaque catégorie de cette trilogie est définie par sa source et les composantes du caractères qui lui correspondent :

       – le cœur : émotif/non émotif,

       – la raison : primaire/secondaire

       – la volonté : actif/non actif.

       Si l'on admet que l'homme est le résultat de ses actions, il est contraint de prendre les décisions qui leur correspondent. Il semble rechercher ainsi l'estime d'autrui qui, en retour, renforce la sienne. C'est ainsi que l'homme se réfère à des valeurs qui dans les faits se traduisent dans ses traits de caractère.

       En effet, cœur, raison et volonté ont des modes d'expression privilégiées qui sont respectivement : sentiment, pensée, parole et action. Et chaque expression est elle-même connotée d'une valeur positive ou négative pour l'individu : amour/haine, justesse/mensonge ou vrai/faux, bien/mal.

       Or chaque élément de la trilogie me semble pouvoir exercer des influences réciproques, à savoir. En cas de conflit, on peut imaginer le schéma suivant. Le cœur accuse la raison qui elle-même peut chercher des justifications dans le cœur.

       Petit conseil : préparez votre action ! C'est-à-dire interrogez chacune de ces instances avant d'agir.

       Mon sentiment est que la jalousie trouble souvent cette trilogie, écartant les propres valeurs de l'individu au profit de celle des autres. Même son idéal est parasité par celui de son entourage.

       Je ressens autour de moi que la famille a un rôle important à jouer dans cet apprentissage du respect de sa propre personnalité.

Bibo


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