NUMÉRO 108 REVUE MENSUELLE août-septembre 2006

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Auteur Titre de l'article Título del artículo
 
Pioton-Cimetti, E. Graciela Changer
 
Bernard, Hervé Changer
 
Bouket, Gaël Changer
 
Courbarien, Elisabeth Conduite du changement
 
Ercole, Jeanine Changer : ou les nostalgiques de l'essentiel
 
Giosa, Alejandro Cambiar
 
Laborde, Juan Carlos Cambiar
  El motivo de la Fian
 
Manrique, Carla Cambio de actitud
 
Ruty, Paul Le refus du changement
 
SOS Psychologue Séance d'analyse de rêves d'avril 2006
  Journées associatives du XVIème


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Mme N. s'est réveillée avec les yeux souffrants, une grande douleur dans les orbites, une grande et terrible douleur de ne pas vouloir voir son horrifiante, profonde et paradoxalement merveilleuse solitude.

Mme N. a dû changer sa façon innocente de voir la vie.

Après le décès de son mari, elle a laissé pénétrer dans l'appartement où elle habitait les envahisseurs, le notaire, le commissaire-priseur et les enfants du défunt mari. Situation bouleversante, douloureuse, mais qui faisait tomber d'un seul coup le masque des anges jusqu'à ce moment considérés comme des protecteurs bienfaisants. Les deux enfants, non satisfaits du fait que leur père n'avait laissé comme bien que les tableaux de leur grand-père à partager avec Mme N., cherchaient à fouiller dans les méandres de l'intimité de la vie d'un père qui, par ailleurs, a été royalement ignoré.

Être un bon père ou une bonne mère dans cette vie ici-bas est une question de position relative compte tenu de ce que je comprends aujourd'hui. La qualité de bon père ou de bonne mère dépend directement du degré de pouvoir, de prestige, de richesse et de position sociale que laisse le défunt. Le regard était devenu presque cynique !

Mais enfin je ne suis pas là pour critiquer, mais pour traiter le thème « changer ».

Mme N. n'attendait rien, ne voulait peut-être pas changer, mais simplement laisser à son être faire le travail de deuil, ne pas précipiter les choses, les événements, les idées, « laisser venir, contempler, comprendre et enfin interpréter ».

Après une bonne séance de 120 minutes de travail libérateur, elle avait pris le bus jusqu'à la Porte Maillot et s'était promenée. Après cette nuit-là, il n'y avait plus rien d'autre à faire qu'exister, manger, rentrer à la maison et réfléchir.

Mme N. est allée dîner au restaurant vers 19 h 30, seule, déçue, changée.

Sur la terrasse un peu froide, Mme N. s'est installée à une table à deux pour elle toute seule, dans cette horrifiante, profonde et merveilleuse solitude qu'elle aime tant ! Et elle s'est laissée contempler la vie, les autres. Elle a laissé rentrer les impressions, elle a observé le monde autour d'elle pour la première fois autrement sans le déni du réel. C'est aujourd'hui le 28 septembre qu'il y a largement plus de 20 ans que Mme N. et son mari se sont connus et aimés depuis un 28 septembre d'une année enregistrée dans l'éternité.

***

Des échanges de conversation arrivaient à Mme N. Une de ses amies lui avait dit : « tu ne regardes pas les hommes. Tu vois le chien, mais tu ne vois pas le maître du chien ». Depuis 28 ans, un lundi de Pentecôte 1978, Mme N. n'avait pas remarqué que les hommes existaient aussi. Peut-être trop fragilisée par une vie de travail, de maternité et d'amour elle avait oublié que les hommes existaient, pour ne voir que son mari homme, mais série.

Pendant le dîner, Mme N. parlait en son for intérieur, comme selon son habitude avec son amour de mari, qui était parti. Et il lui avait dit « regarde, ouvre tes yeux, sois présente dans l'instant ». Et cette fois, elle s'est mise à regarder les autres, naturellement sans distinction de sexe et de niveau social. Pourquoi ne pas vouloir voir ? Je reviens à ce matin où elle s'est réveillée avec cette douleur dans les orbites. La lumière lui faisait si mal ! Je ne voudrais pas trop passer de temps sur ces observations nécessaires. Son mari parlait et écrivait plutôt à partir de son éveil spirituel moins qu'en partant de sa chair. Mme N. à l'opposé parle en partant de sa chair, de sa vibration essentielle et de sa suprême sensualité. Elle capte par les pores et par les tripes. Elle ne sera jamais l'intellectuelle qu'on prétend voir en elle, mais le corps habité qui contemple avec horreur, toujours avec émerveillement le réel qui rentre par les sens en lui parlant.

Oui, changer pour elle, c'est accepter de voir sans fausse pudeur tout ce qui rentre dans sa perception éveillée.

Il y avait une grande table réservée à côté de Mme N., peuplé peu à peu par un groupe composé d'allemands, d'anglais et d'autres étrangers. Une réunion d'une société internationale peut-être, le premier arrivé est un homme d'âge moyen, la deuxième, une jeune femme bien rangée, pas trop sûre d'elle-même jusqu'au moment où toutes les femmes du groupe sont arrivées. À ce moment-là, alors qu'elle avait été auparavant réservée et dans le silence, elle a débordé pratiquement avec sa parole, c'est-à-dire qu'elle a perçu selon son complexe et son insécurité qu'elle n'avait pas à jouer la rivalité. À côté de Mme N. sur la droite se tenait un vieil homme certainement de bon niveau social, mais avec une femme ridiculement jeune et sans vouloir critiquer, sans classe !

Au fond de la salle il y avait 3 personnes. Mme N. osa regarder bien en face l'homme en face d'elle à la distance et elle a pu constater qu'il la regardait comme en partageant avec elle la communication qu'il ne pouvait pas établir avec les autres.

Mettant en action ce que son amie lui avait dit que elle ne regardait pas les hommes, cette fois elle l'a regardé avec un regard de contemplation neutre, elle avait changé, elle avait laissé rentrer le dehors en elle !

Surprise ? Oui, mais constatation permanente de son déni et de sa peur de voir l'horreur des situations qui pouvaient la dépasser, comme l'histoire du commissaire-priseur et des héritiers.

Ses yeux lui faisaient moins mal.

Enfin, il faudra qu'elle accepte de voir sinon elle deviendra physiquement aveugle.

Son prétendu intellect ? Un bouclier pour se défendre. Mais contre quoi ? Contre tout ce qui pouvait la détourner de son horrifiante, profonde et merveilleuse solitude qu'elle aime tant.

***

Elle a failli faire appeler un taxi pour rentrer chez elle sans passer par son bureau, qui est sa propriété, sa forteresse, les murs qui l'abritent de l'extérieur. Elle n'a pas appelé le taxi. Elle a pris à 9 heures du soir le bus avec une présence de joie, de vie nouvelle, de naissance après la perte de l'illusion de vouloir voir les autres comme des êtres toujours protecteurs et bienveillants. Il est arrivé immédiatement et en 10 minutes était rentrée chez elle avec le sentiment d'un renouvellement.

Si je fais le travail que je fais c'est pour devenir libre, forte, capable d'accepter l'irrémédiable et de changer ce qui peut être changé. Oui j'abandonne l'esclavage, j'accepte le conflit. Le vécu de Mme N. résonne en moi et m'aide à changer moi aussi. Demain je serai libre, je n'ai rien à prouver à personne, je ne suis plus coupable d'exister, j'aime mes parents, mes enfants, mes amis et mes élèves, mais je ne suis plus ni mes parents, ni mes enfants, ni mes amis, ni mes élèves.

J'écoute de la musique classique, mais elle me dérange, j'ai besoin d'écouter le silence à l'intérieur de mon corps. En mettant la musique la chair de poule est arrivée. Je n'avais pas besoin de remplir le silence. Il m'a été donné pour me ressourcer, je devais me rendre responsable du cadeau, de cette force qui ne voulait pas être troublée par aucun bruit.

Les premières lignes je les ai écrites dans l'urgence, debout.

Après, c'était la paix, je repris ma position habituelle pour écrire assise à mon bureau de pèlerin en transhumance. Je serai toujours un être avec un besoin de rituels pour devenir consciente !

Oui, peut-être qu'aujourd'hui je n'ai pas la réponse, mais mon cœur s'apaise par l'évidence que toute expérience assumée activement apporte le changement.

J'ai une pensée pour toi.
Fait à Paris le 12 octobre 2006
Il fait très doux
Doctora E. Graciela Pioton-Cimetti



Changer est certes une constance de la vie au rythme de l'éphémérité, mais qu'il est bien rassurant pour l'esprit de préserver ses mêmes points de repère. Savoir changer me semble être au cœur de cette dialectique complètement transverse à nos projets de vie. Comme si la résolution de l'équation de la vie était à la croisée de nombreuses problématiques qui interagissent entre elles et avec notre destinée.

Et pourtant la vie ne nous paraît-elle pas parfois si simple, qu'il suffit de s'abandonner au cours de celle-ci, pour qu'elle s'illumine pour notre plus grand bonheur de l'âme ?

Changer, ce mot résonne comme une nécessité quand la vie prend un tour névrotique avec son lot d'ennuis, de souffrances, d'inertie, de déprimes, de déceptions.

Changer aussi quand nous parvenons à la satisfaction de nos projets les plus importants et que notre personnalité ne rime pas trop avec routine !

Mais que changer ?

Quels amis, quels proches, quelles relations de travail, quelles connaissances changer ?

Quels projets, quelles aspirations, quelles activités, quels buts changer ?

Quels traits de caractère, quels défauts, quels comportements, quelles habitudes changer ?

Le champ du changement, quand il devient volontaire et n'est pas la conséquence forcée d'un faisceau de circonstances ou celle inéluctable des événements, embrasse bien des dimensions qui apparaissent bien confuses, pour autant qu'on parvient à en embrasser un certain nombre de contours, comme si le déroulement de notre vie ressemblait à un voyage dont une partie émergée s'effectue à vue. L'autre partie de ce voyage, comme inconsciente, échappe à notre vue, à la perception de nos sens, à notre entendement.

Et si le changement était un processus autonome créant la propre énergie nécessaire à son développement harmonieux au service de la pulsion étrique, possédant sa propre dynamique ne nécessitant qu'une pulsion initiale suffisamment motivée et entretenue pour passer des barrières contre énergétiques qui ne manquent pas de se dresser lors de tout changement de position selon de nombreuses lois de la physique, notamment la mécanique.

Tout résiderait dans la capacité à fédérer le maximum de ses propres énergies au profit d'une volonté de changement, sur les plans psychologiques, physiques, organisationnels, stratégiques, intellectuels, affectifs. Canaliser ses ressources vers un seul but : changer ! Changer sa vie, changer ses projets de vie, changer sa vision du monde.

Bien sûr ce processus qui nécessite du temps et de la permanence dans le comportement doit se faire en pleine conscience, à l'écoute de soi et des autres, afin de discriminer les bons chemins des impasses, en fonction de notre instinct et de notre sentiment profond.

Commencer à changer peut démarrer par de toutes petites choses, parfois bien difficiles à mettre en œuvre en situation.

Prenons quelques exemples courants :

Pour une personne devant progresser dans son comportement vis à vis des autres, parce qu'elle parle trop, ou à tort et à travers, en dépassant sa pensée, cela peut être tout simplement réfléchir au moins quelques secondes avant de parler à l'autre, et lui transmettre le message opportun.

Ou bien être toujours à l'heure à ses rendez-vous pour le plus grand respect des autres et être respecté soi-même.

Changer est un fondamental de la vie, qui doit nous inspirer régulièrement réflexion et critique de nous-mêmes : ainsi nous mettrons plus de chance de notre côté dans notre quête et serons un exemple bénéfique pour les autres.

Hervé Bernard



Ce thème arrive au bon moment pour moi. C'est une grande question. Changer quoi, dans quel but ?

Cette semaine est rythmée par le déménagement ; je quitte ma salle de musique. Tout mon matériel doit trouver une autre place. De fait, il faut réinventer l'organisation de ma maison. Il y a une autre harmonie à rechercher. Les circonstances m'obligent à m'adapter. Ce n'est pas un désir, mais une nécessité ; un événement arrive et toute la structure bouge : certaines pièces changent de fonction, d'autres se voient séparées en deux et, surprenant, certaines se vident. Ce qui est sûr, c'est que l'on ne peut pas conserver l'inutile ; alors c'est le grand ménage ! Petit à petit, chaque objet semble trouver sa place, une place presque évidente, les espaces se dessinent. Il reste encore certains détails à régler, mais déjà, une nouvelle esthétique se profile, plus agréable qu'avant. Et puis on constate que la maison s'est enrichie, chaque espace a été repensé et réadapté. La maison sera bientôt prête, belle, fonctionnelle, enrichie par ce que la vie a amené.

En ce qui me concerne, la situation est très similaire. J'ai vu, il y a quelques jours, ma confusion ; en cherchant l'humilité, je me suis confronté à la négation de moi-même, mon pire ennemi, qui était resté jusque là, bien à l'abri de mon regard. J'en suis maintenant conscient, c'est entré dans ma réalité perceptible. Un grand changement s'impose. Il va falloir, patiemment, me réaménager, point par point, faire de la place, virer l'inutile, trouver une nouvelle harmonie, plus adaptée à l'ici et maintenant, à ma nouvelle réalité. Les grands travaux commencent, minutieux, précis, appliqués, je vais me retrousser les manches !

Fait à Villandry, il pleut, tout est calme
et je remercie ceux qui me tiennent éveillé,
ce qui me pousse à l'éveil, à changer.
Gaël Bouket



Changer ? Mais pourquoi donc ? Je suis très bien comme je suis. Je ne viens d'ailleurs pas consulter pour moi, car je n'ai besoin de rien à titre personnel, je me renseigne pour : mon conjoint, mon enfant, ma sœur…

Voici à quelques variantes près la phrase qui sert de prise de contact pour la plupart des personnes qui viennent nous rencontrer à l'association.

La psychothérapie, c'est très bien, mais pour l'autre. Pour celui qui souffre.

Personnellement, je ne souffre pas. Non, non, je vous assure, en ce qui me concerne, j'ai vraiment une vie dont je n'ai pas à me plaindre.

En réalité, nos résistances névrotiques sont telles qu'affronter nos propres douleurs et notre propre vérité est bien souvent au-delà de nos forces. Souvent nous nous sommes si parfaitement adaptés et accoutumés à notre état de souffrance qu'y renoncer nous paraît dangereux. La carapace est un peu comme la ligne Maginot… Ils sont nombreux à y avoir cru et après tout, ils ont eu raison : au moins tant que l'attaque n'a pas eu lieu.

Bon, mais si je souffre, si j'accepte de regarder en face tout ce qui m'a rendu si en colère, si agressif, si insatisfait, n'est-ce pas être trop complaisant avec moi-même ? Ai-je le droit de m'apitoyer sur mon propre sort alors que tout autour de moi, d'autres endurent de vraies souffrances ? Et puis moi, cela remonte à tant d'années, est-ce bien utile de venir remuer aujourd'hui l'histoire d'une maman morte quand j'étais adolescente, celle d'un beau-père violent ou d'un conjoint alcoolique ?

Non, aujourd'hui je viens vous voir pour ma fille qui traverse une vraie dépression à la suite d'une rupture sentimentale ou de mon fils qui se drogue. Eux, ils ont vraiment besoin d'être aidés.

Le changement, vous noterez, c'est toujours bon pour le voisin.

Regardez dans une entreprise, tout le monde s'accorde à trouver que les fusions acquisitions sont logiques économiquement parlant et vont dans le sens de l'histoire. Sauf le jour où notre propre entité est cédée avec un L122-12 ou que le plan de sauvegarde de l'emploi vient jouer les trublions dans notre plan de carrière. Mince.

Il faut garder présent à l'esprit cette petite phrase que quelqu'un m'a enseignée un jour et ne jamais l'oublier : « Il n'y a pas de changement sans sacrifice ».

Pour qu'il y ait un changement, il faut accepter l'idée de laisser quelque chose derrière. De lâcher prise. De renoncer.

Le choix est un sacrifice. Le sacrifice de toutes les options qui n'auront pas été retenues. Le choix d'un conjoint, par exemple, c'est le renoncement à de nombreuses autres opportunités, voire à toutes, cela dépend de ce que chacun a la force de vouloir.

Personnellement je n'aime pas trop changer. Je suis d'un naturel fidèle. Avec l'expérience de la vie et l'analyse, j'évolue en réalisant cependant les choses au fur et à mesure. Mais j'ai appris à mûrir jusqu'à désirer le changement, comme un aboutissement construit. À trop attendre, à trop refuser le changement, je sais d'expérience que j'aboutirai à la révolution. Brutale. Les conséquences en sont plus redoutables.

Ma plus grossière erreur ? Avoir longtemps cru que je pouvais faire changer l'autre. Désolé de vous contrarier si vous avez encore des illusions. Le seul artisan du changement c'est le protagoniste en personne. Je voudrais que tu changes… est mission quasi impossible. Nous ne pouvons pas imposer à l'autre de changer. Même s'il nous aime. Nous voudrions parfois croire que la toute puissance de l'amour conduira l'autre à vouloir nous prouver qu'il nous aime en changeant : archi-faux. Nous-mêmes n'avons-nous pas l'envie d'être aimé(e) comme nous sommes ? Sans avoir à fournir d'effort ? Si nous avons choisi d'aimer l'autre, nous l'avons accepté dans sa différence. Soit nous arrivons à nous accommoder de ses petits travers, au même titre qu'il s'accommode des nôtres, soit nous concluons à l'impossibilité d'aller plus loin.

Ne plus pouvoir tolérer chez l'autre les défauts dont nous avions pensé qu'ils s'estomperaient, nous amène à devoir prendre la décision d'une rupture, d'un changement. Mais celle-ci ne nous impose pas d'accabler l'autre de griefs : c'est nous qui n'avions pas à nourrir cette idée « puisqu'elle (-qu'il) m'aime, elle (il) doit changer ».

Tyrannie de l'amour ! Eh oui ! Nos exigences insatisfaites, notre impuissance à faire bouger et évoluer la relation pour qu'elle colle à notre idéal, nous a conduit souvent à la séparation : une vraie révolution en comparaison des adaptations qu'il nous aurait fallu faire tous les deux. Mais jusqu'où fallait-il accepter de se sacrifier et de se renier pour ne pas en arriver là ? Quelle maturité nous aurait-il fallu à l'un et à l'autre pour composer avec du réel et ne plus fantasmer notre relation ?

Dans la vie, peu d'hommes se portent spontanément candidats au changement. Le changement intervient souvent suite à un état de nécessité. Après plusieurs échecs.

Nous rencontrons quelquefois des « zappeurs ». Des personnes instables. Des gens que rien ni personne ne semble pouvoir arrêter. Ils changent de voiture, de domicile, de petit(e) ami(e), de travail, de look… toujours insatisfaits, toujours avides d'autre chose, comme si l'étourdissement était la vie et comme si la stabilité était la mort. Et si, au fond, le vrai changement, pour eux, c'était de parvenir à se poser ?

Accepter l'impermanence des situations, des êtres etc. suppose d'intégrer l'idée que même en freinant des quatre fers, nous n'arrêterons pas l'inéluctable. Il faut à chacun trouver sa voie pour accompagner et gérer l'adaptation.

L'essentiel, c'est de dépasser nos défenses névrotiques pour accueillir le changement comme une possible libération et non plus comme une contrainte ou une fuite en avant.

Jusqu'où peut-on s'opposer à un changement ? Jusqu'où devons-nous l'accepter ? Quelles sont les conséquences que ces tensions génèrent : frustration, déni ou renoncement.

Le changement n'est pas nécessairement porteur d'un « plus » ou d'un « mieux ». C'est une bonne raison pour qu'il ne déchaîne pas l'adhésion spontanée. Mais ma conviction n'en demeure pas moins qu'il doit être intimement désiré – lorsqu'il est action ou intégré – lorsqu'il est la conséquence de contraintes externes.

Elisabeth Courbarien



« Je suis l'instrument maladroit de moi-même »
Paul Claudel : journal 1947

Vouloir écrire sur le changement fait appréhender faussement ce qu'il peut être, car le fait de changer est quelque chose qui se vit au plus profond de soi et de tout à fait personnel. Écrire et son corollaire lire est un acte qui s'adresse au monde de la pensée ou de l'imaginaire alors que « changer » est essentiellement mouvement c'est-à-dire un vécu dans lequel participe tout l'élan vital et ou l'inconscient s'octroie une large part. Ainsi vouloir expliquer ce qu'est le fait de « changer » ne peut être qu'illusoire. Il est évident qu'il est possible d'illustrer cette notion de nombreux exemples, mais le véritable ressenti conforme au vécu n'y sera jamais ; le monde du subjectif et du projectif y sera trop présent. C'est tout l'art du roman. Or les motivations de chaque sujet sont uniques. Mais puisqu'il faut ici mettre en « lettres » essayons de tirer les traits communs de toutes personnes qui auront décidé volontairement ou inconsciemment de changer, essayons de comprendre de l'extérieur l'essentiel de leur démarche psychologique.

Dans tout être humain existe plus ou moins intensément un désir d'absolu qui le fait tendre et s'affirmer dans une même direction dans son parcours de vie. Mais pour changer sa destinée il faut appartenir à une certaine trempe où la persévérance doit s'étayer sur une solide et intelligente volonté et où la participation de toutes les facultés est une des conditions premières. Pour celui qui est déterminé à changer socialement, autant de possibilités lui sont offertes que la société en est elle-même porteuse ; satisfaire ainsi des désirs existentiels devient une question de vouloir.

Il n'en est pas de même pour le changement intérieur qui s'avère plus complexe ; il est l'aboutissement d'une plus ou moins longue gestation où l'intuition joue un rôle non négligeable : celui de faire entrevoir et pressentir ce qu'est l'être essentiel. Tout changement est en principe conscient, mais il n'est pas toujours volontaire. Cela peut vous tomber sur le paletot comme le fruit qui est bien mûr se détache de l'arbre. Un beau matin on se lève en se disant : « J'en ai assez, il faut que ça change ! » À quel déclencheur obéit-on ? À quelle lassitude, ou à quelle souffrance ? Air bienheureux que l'on ne peut plus respirer et qui est un éveilleur de conscience ! Alors par quoi commencer ? Il n'y a pas de secret pour accéder à une autre réalité, assumer sa véritable nature et trouver un Moi non plus narcissique. Pour ce travail on s'adresse généralement à un psychothérapeute, mais il y a d'autres moyens tout autant efficaces, certains, même, mais c'est plus rare, y parviennent seuls. Travail patient de lâcher prise, pareil à une aventure, apparemment appauvrissant par le dépouillement que demande cet acheminement vers un rapport à soi plus authentique ; mais c'est aussi un jeu de « Qui perd gagne ». Il est dur d'abandonner les idéaux creux dont on est prisonnier, de faire le deuil de la surcharge d'images dont on est bombardé, de déblayer ce à quoi on s'était identifié, ou voulu s'identifier, de renoncer à tout ce que l'on a projeté sur soi, de désencombrer, de vider toutes les superstructures dans lesquelles le mental s'est obstrué. Quitter ses culpabilités pas toujours fondées et des scrupules étouffants, ses peurs et leurres que l'on s'est soi-même bâtis, ses pseudos justifications autant que ses faux-semblants que l'orgueil a pris soins de recouvrir, etc. : vaste programme ! Et pourtant ce sont des modalités premières à appliquer pour que des matins plus clairs surgissent et que l'air devienne plus respirable !

Est-ce à la portée de tous de changer ? Non. Le pervers ne se remettra jamais en question ; il illustre ainsi cette vérité apparemment incompréhensible : « À celui qui n'a rien, il sera encore enlevé. »

Dans un autre ordre d'idée, le fait de « changer » peut s'opérer à la manière d'une « métanoya » selon les grecs, que les japonais dans le Bouddhisme Zen appelle « Satory » et que l'Inde autant que l'occident nomment « illumination », c'est aussi l'ainséité du Tao. Il s'agit d'une conversion spontanée, d'un retournement de 180° du regard intérieur, sans que le raisonnement n'y ait pris aucune part. En une fraction de seconde c'est l'éveil de la conscience qui restaure et fait la synthèse mental-cœur sous sa forme la plus parfaite ; le lien entre toutes les contradictions est établi par la descente de l'esprit qui éclaire ce qui était enténébré. Les certitudes des vieux schèmes existentiels ont disparu, le noyau de la logique qui emprisonnait la pensée, est cassé, l'écran est devenu blanc ; alors que le Moi restait enfermé dans sa singularité, l'expérience de cet « ici et maintenant » l'établit dans une réalité qui n'est plus imaginée, mais perçoit et va à l'écoute de l'essentiel de l'humain. Le Moi, ou plus justement le Soi, se manifeste dans sa nature spécifique, sa vérité originelle, sa force originelle autant que dans son amour et sa beauté qui ouvrent et mènent à la transcendance, c'est-à-dire à l'universelle : vérités immuables indépendantes des faits. C'est l'expression d'une autre humanité dans une réalisation que certains ont vécu et dont ils ont laissé le témoignage de ces états d'être pourtant incommunicables. Freud, davantage Yung, Fr. Dolto et bien d'autres dans le monde, ont analysé ce que pouvait être la connaissance directe du « Soi ».

Essayons de ne pas rêver, mais d'être attentifs et conscients de la source dont nous sommes tous porteurs et essayons aussi que ces messages de grande paix issus d'une seconde naissance soient un espoir pour chacun de nous dans ce même aujourd'hui de notre humanité. Laissons encore une fois parler le poète lorsqu'il nous dit que : « La vie n'est pas d'avancer mais de partir. »

Jeanine Ercole



« C'est moi qui ai fait cela »
dit ma mémoire.
« Il est impossible que je l'aie fait »
dit mon orgueil, et il est impitoyable.
Finalement, c'est la mémoire qui cède !
Nietzsche (Par delà le bien et le mal, II)

Où peut se situer le changement ? Dans la perception ? Dans la réflexion ? Dans l'action ? Dans l'intuition ? L'analyse est-elle capable de produire des changements dans l'un ou l'autre de ces domaines ? Je me sens incapable de le dire, s'il est vrai, d'après Freud, que l'on refait toujours les mêmes erreurs.

Plutôt que de me lancer dans une démonstration qui risque fort d'être vaseuse, je préfère montrer une résistance au changement très particulière en donnant la parole à l'un des détenus que j'ai visité, il y a quelques années en prison :

« Il faut donc que je te dise que, d'après les psychiatres qui m'ont retourné sous toutes les coutures, je suis ce qu'on appelle un pédophile compulsif. Jusqu'à maintenant, je ne suis jamais allé officiellement jusqu'au viol, ce qui m'a évité les Assises, mais des attouchements, des tentatives de séduction auprès de jeunes garçons m'amènent régulièrement en correctionnelle. J'en suis, à ce jour, à ma sixième incarcération. Casier judiciaire aidant, je suis condamné de plus en plus lourdement. La première condamnation était un sursis de six mois. La dernière était de deux ans fermes pour des faits du même ordre. J'attends maintenant mon jugement pour une autre affaire. Ce sera sans doute pour un séjour de plus de trois ans. Il paraît que je manifeste une incapacité totale à me fixer dans un travail. Mais, il faut bien le dire, personne ne m'aide : Mes parents y ont renoncé et ne s'occupent plus de moi. Le service social est incapable de me fournir une formation valable et, en sortant d'ici, je serai à la rue, sans ressources, en attente d'une nouvelle incarcération, car, je le sais, je ne pourrai pas résister à la tentation. Tout ça par la faute d'une administration pénitentiaire infoutue de veiller correctement à la réinsertion de ses chers administrés.

Ta science est-elle susceptible de résoudre un problème qui m'intrigue ? Voilà, Je n'ai aucun souvenir de mon enfance, autre que les récits que m'en ont faits mes parents. Ce n'est que vers l'âge de quatorze ans que je commence à émerger.

Tu dis que tu peux m'aider à essayer de retrouver mon passé, si je te fais confiance. Si j'ai bien compris, en s'aidant de l'interprétation des rêves, on pourrait peut-être remonter peu à peu vers le traumatisme à l'origine de la perte des souvenirs avec un double résultat : Retrouver la mémoire, et reprendre sa vie sur d'autres bases, au moment de la bifurcation vers la perversion.

Ah, mais non ! Non, non et non ! Ça, je ne veux pas. C'est que j'y tiens, à ce que tu appelles ma perversion. J'aime les petits garçons et si tu m'enlèves ça, par quoi tu vas remplacer, hein ? J'aime guetter ma proie et la séduire. Je n'ai jamais commis d'acte de violence. Je suis comme je suis avec mes défauts, mais je ne veux pas changer. Ça veut dire que je vais aller de prison en prison ? O.K. j'accepte ! Ce que je suis, je connais. J'accepte d'être un « anormal » en marge de la société. Ce que je serais en retrouvant la mémoire, j'en ai peur, surtout que tu m'as dit que la découverte pouvait en être douloureuse. Je perdrais ce qui fait ma joie de vivre, les rares fois où je peux en profiter. Et pour quel bénéfice fallacieux, peux-tu me le dire ? Je ne sais pas et dans le doute, je préfère m'abstenir. Je veux bien discuter avec toi de choses et d'autres, mais j'aime mieux me passer de mémoire si c'est à ce prix. J'ai trop peur, en fouinant trop profond de trouver l'enfant martyre que tu sembles subodorer à partir de cette histoire anodine que je t'ai narrée : On parle beaucoup en ce moment de ce garçon disparu de chez lui et retrouvé cinq semaines plus tard, à trente kilomètres du lieu de sa disparition, attaché au fond d'un étang par une grosse pierre. Il avait été camouflé là par le violeur assassin. Comment les policiers ont-ils tant manqué de flair ? Pourquoi n'ont-ils pas fouillé plus tôt cet étang ? Comment les riverains n'ont-ils pas vu plus tôt ce corps flotter entre deux eaux ? Avec toutes ces erreurs, le violeur aurait presque pu s'en tirer. À sa place, j'aurais su quoi faire, moi ! Tu m'as demandé alors si je pouvais m'identifier à quelqu'un dans cette histoire, l'homme ou l'enfant et je t'ai répondu après hésitation que je m'identifiais plutôt à l'homme. De la durée de mon hésitation, tu as déduit que j'avais eu peur de retrouver en moi l'enfant martyre. C'est vrai, j'ai eu peur. L'enfant qui émerge de l'eau… Tu le vois comme moi… c'est un enfant mort. Tu entends… un enfant mort ! Ce n'est pas moi ! Je ne veux pas être ça ! Je ne peux pas voir ça ! Laisse-moi tranquille ! Je n'ai plus envie de savoir ! Je crois que tes histoires kabbalistiques, ça brûle comme les flammes de l'enfer, c'est dangereux ! Ce n'est pas pour moi ! »

Je n'ai rien pu faire !

Paul Ruty



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SOS Psychologue



Les 23 et 24 septembre derniers se sont déroulées les journées associatives de la mairie du 16ème arrondissement. À l'occasion de cette manifestation organisée tous les deux ans dans les somptueux locaux de la mairie, notre association était représentée par différents membres de notre équipe qui se sont relayés durant ces deux journées pour présenter nos activités.

Cette rencontre entre notre équipe et le public est toujours l'occasion d'échanges enrichissants qui peuvent devenir un point de départ vers une expérience de travail sur soi individuelle ou en groupe.

Il faut toute l'expérience de notre équipe de spécialistes pour comprendre la demande souvent implicite au-delà de l'approche de la personne et de ses mots afin d'apporter la meilleure aide, celle qui pourra servir de tremplin pour poursuivre cette démarche souvent première. Bien sûr, notre attitude obéit à une stricte neutralité dans le jugement de l'autre et dans l'orientation à donner à la demande : écouter, comprendre avec l'esprit et le cœur, répondre le plus précisément possible aux questions, écouter à nouveau, autant l'autre dans sa parole que soi dans notre réaction à l'histoire de l'autre. Nous remercions tous les membres de notre équipe qui ont assuré une présence de notre association à notre stand, pour faire connaître l'esprit qui anime l'association afin de rendre la psychologie accessible au plus grand nombre.

SOS Psychologue