NUMÉRO 190 REVUE BIMESTRIELLE avril 2022…juin 2022

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Auteur Titre de l'article Título del artículo
 
Pioton-Cimetti, E. Graciela Éditorial Editorial
  Le prestige social et moral El prestigio social y moral
 
Bernard, Hervé Le prestige social et moral
 
Baleani, Eduardo Prestigio social y moral
 
Delagneau, Philippe Le prestige social et moral
 
Giosa, Alejandro Prestigio
 
Manrique, Carla El liderazgo y el prestigio
 
Recherche/Investigation Groupe de travail
 
SOS Psychologue Séance d'analyse de rêves d'avril 2022
 
Thomas, Claudine Le prestige social et moral


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Je propose deux textes extraits de mon ouvrage « Nicanor » sur Péron, comme exemple du prestige social, avec le peuple argentin, exemple de prestige moral.
Doctora E. Graciela Pioton-Cimetti



Sur Perón, témoin oculaire

Il est très difficile de penser en espagnol lorsqu'il s'agit de sentiments. C'est comme balbutier dans la langue maternelle. Il est plus facile de le faire en français. Avec ma langue maternelle, il y a une barrière affective qui dénature les images. Ma langue maternelle me trouble ; elle devient impudique. J'ai la sensation de faire connaître un secret professionnel ! S'agit-il d'un conflit déontologique ? Je ne sais pas. En tout cas, j'ai l'habitude de garder les secrets jusqu'à douter même de ce que je dis.

Buenos Aires, août 1973. Au moment où les élections approchaient, le péronisme devait gagner, après le long exil de Perón à Puerta de Hierro, en Espagne où Franco accepta de lui donner l'asile après la révolution libératrice du 16 septembre 1955.

L'encadrement socio-politique est très important pour comprendre le sens des estamentos1, des groupes enkystés dans les différentes classes sociales. Les gens qui attendaient Perón n'étaient pas les mêmes qui le portèrent au pouvoir en 1947. Perón était un phénomène qui allait créer une nouvelle organisation sociale et idéologique.

Jeune lieutenant d'avenir, il voyagea en Italie et en Allemagne, s'imprégnant du National socialisme et de modèles qu'il importa en Argentine et dont il commença à vanter les mérites lorsqu'il fut ministre du Travail. Ce fut un phénomène bizarre : si Hitler s'appuya sur les classes moyennes en les faisant bénéficier d'avantages économiques et en renforçant leur fonction sociale, Perón s'appuya sur la classe ouvrière et créa ainsi un mouvement atypique, un mouvement ouvrier de droite, quasiment extrême.

Les bases idéologiques étaient les mêmes que celles du National socialisme européen. Si l'origine était différente, la base se reposait sur le même problème de ressentiment social. Pour ce qui est de l'Europe ce fut par le honteux pacte de Versailles dans lequel l'Allemagne perdit le bassin de la Ruhr, l'Alsace et la Lorraine. En ce qui concerne l'Argentine, il n'y avait pas de conscience politique, car seule fut connue dans l'histoire du pays l'adhésion à des caudillos charismatiques, exceptionnellement rationnels. Autrement dit, avant l'existence d'une conscience politique un ressentiment social apparut. Il s'était cristallisé, mais n'avait pas été compris et constituait purement une imitation des situations sociales européennes qui précédèrent la révolution industrielle de 1931.

La synchronicité selon Jung est la convergence dans l'espace-temps des séries causales indépendantes. Dans le cas de l'Allemagne, spoliée, vaincue, l'archétype de Wotan, le dieu de la guerre, revendicateur et justicier, avait besoin, pour une action efficace sur le plan empirique, de l'apparition d'un être capable de représenter cet archétype. Ce fut le cas d'Hitler. Il correspondait exactement aux demandes inconscientes du peuple allemand. Il se produisit entre le peuple et le leader  ambitieux, charismatique et individualiste à outrance  un effet de contagion psychologique qui se multiplia géométriquement en spirale délirante jusqu'à la recherche d'un passé d'êtres mythiques parfaits, submergés dans les sagas des Nibelungen.

Pour ce qui est du cas du peuple argentin, l'abandon créa dans l'inconscient la recherche d'un père éternel, capable d'exercer une telle paternité sans instabilité, ni fissures. La présence de conservateurs et le passage par le radicalisme personnaliste avaient créé de l'angoisse, sans créer de conscience politique. Au temps du radicalisme d'Yrigoyen, les problèmes s'atténuèrent pour la classe moyenne qui pour la première fois dans l'histoire de l'Argentine se vit légitimée par un président de son parti. Mais l'importante classe ouvrière, urbaine et rurale, continuait à se demander les raisons de son abandon. D'autre part, Yrigoyen mourut en 1930, peu après avoir été renversé et une grande partie de la classe moyenne demeura « flottante2 ». Perón correspondait exactement à l'image de l'archétype : paternaliste, puissant, presque divin.

La synchronicité s'opère dans les deux cas : la présence de deux hommes qui complètent le désir et la pulsion inconsciente de deux peuples. Hitler construit des monuments fascinants qui veulent toucher le ciel. Perón monte au pouvoir face à une foule, en décrétant, simplement, que le 18 octobre serait le jour de « saint Perón ».

En Argentine, on n'avait pas vécu des situations d'opposition sociale ; car l'histoire eut lieu de telle manière qu'on présenta seulement la complicité par rapport à l'ennemi extérieur. Perón tira profit de cette situation et créa un ennemi extérieur : les États-Unis. Ceci s'exprimait dans des slogans qui le maintinrent au pouvoir jusqu'en 1955 : « Espadrilles, oui, livres, non » ou bien « Mes chers sans chemise. » C'était un élément supplémentaire de ressentiment social.

Au moment où il fut renversé en 1955, toutes les classes sociales fusionnèrent pour lui ôter le pouvoir. Il voulut créer les milices populaires, pour remplacer l'armée, à partir de la C.G.T. et du modèle des chemises noires de Mussolini. Ce ne fut pas la première fois dans l'histoire qu'un leader commença à délirer. Ce fut déjà le cas de Bolívar et de son délire du Chimborazo. Ensuite la situation devint dangereuse. Perón avait sacrifié sa femme jusqu'à la dernière minute. Alors qu'elle était dévorée par un cancer, il la fit, malgré tout, apparaître à ses côtés sur le balcon de la Casa Rosada en tant que candidate à la future vice-présidence. Elle dut porter une perruque, fabriquée spécialement, pour lui tenir la tête droite. Après la mort d'Eva, Perón tomba dans le délire.

Quand Eva Perón mourut, la confusion revint. Il était évident que c'était elle le véritable leader charismatique et non Perón. C'était la fille naturelle d'un propriétaire terrien. Artiste sans envergure, détentrice d'une ambition sans mesure et d'une beauté indéfinissable. De toute façon, si elle posséda du charisme, ce fut parce qu'elle croyait en ce qu'elle faisait.

Il n'y a pas de jugement politique dans tout ce que je dis, car je suis, eu égard à ma condition humaine, un témoin de l'histoire.

Les gens qui reçurent Perón en 1973 ne furent pas les simples ouvriers qui l'amenèrent au pouvoir, mais une jeunesse aisée, de la haute classe moyenne et de la moyenne classe moyenne. Ceux de la classe basse étaient une minorité, peut-être de fidèles résiduels de l'ancien péronisme.

En regardant depuis mon balcon de l'avenue Maipú 1942  entourée de mes quatre enfants  je voyais la foule qui avançait vers la place de Mayo ; la certitude de ce que je contemplais me coupa le souffle : parmi la foule se trouvaient des jeunes habillés avec des gamulanes3. Il n'y avait pas beaucoup d'ouvriers et peu de camions. Il n'y avait que des voitures de bonne qualité, quelques-unes décapotables. Je me demande ce que les jeunes voulaient voir en lui. La question reste ouverte. Revenons-y. Que se passa-t-il pour en arriver là ?

Perón, une fois renversé, chercha à se reconstruire une histoire semblable à celle d'Eva. Il retrouva une femme absolument ignorante dans un cabaret à Panama. Il l'emmena à la Puerta de Hierro et dans son exil il commença à l'éduquer. Mais « Isabelita » ne serait jamais Eva Perón. Isabel fut une satire, une mauvaise version d'Eva. Ce fut un ange sans envergure, dont la voix d'une cadence sans importance donnait l'impression d'une petite maîtresse de village, montée sur l'estrade pour apprendre à des enfants déchaussés la différence entre le C, le S et le Z.

Dans ce contexte, disparut, pour les Argentins, le sens politique critique. Il ne resta qu'une seule alternative : s'allier dans des noyaux estamentarios4 à l'intérieur de chaque classe sociale. Ce fut l'émergence d'une nouvelle situation. Ce ne fut plus le ressentiment social, mais l'irresponsabilité politique et le conflit d'une génération qui ouvrit sa porte à une cruauté systématique et à une surdité entre parents et enfants. La brèche ouverte au cœur de la famille patriarcale, la guérilla entra, avança et dénatura le mouvement péroniste qui disparut sous le nom de « justicialisme ». Mais compte tenu du manque de conscience politique, la lutte se réduisit à des luttes privées où le facteur, transcendant et idéologique n'existait pas.

Souvenir de cette année en remontant par l'avenue del Libertador à 8 heures du soir, les interminables discours d'Isabelita Perón et les embouteillages. Je prenais toujours un livre et une lampe de poche pour lire. On ne pouvait pas passer en raison du désordre de la circulation. Non, il y avait plus que du désordre. C'était la déstructuration d'une société qui n'avait pas commencé à ôter ses couches !

À cette époque, dominée par une destruction fantasmatique dans tous les sens, il nous fallait nous reconnaître en tant que groupe, car, au-delà de cela, il n'y avait rien.

Des bombes, des assassinats, des disparitions. Comment faire face à tout cela sans se détruire ? Car parfois deux ou trois bombes éclataient par nuit. Enfin, nous les forts, nous nous bouchions les oreilles pour ne pas avoir peur. Nous ne savions pas s'il fallait donner ou non à nos enfants une carte de la Marine pour se protéger, car cette protection pourrait les condamner à mort. Il n'y avait de place que pour la prière ; et « enlever » les enfants à l'école et les emmener à la campagne, c'est ce que je fis pour ne pas les exposer davantage, et pour ne pas m'exposer davantage à la souffrance. Je me souviens maintenant de toute cette époque, ayant conscience de la peur que je ne pus ressentir alors, car il n'y avait pas de place pour la vivre. Une partie de ma vie professionnelle se développait dans le commandement en chef de la Marine. Les secteurs les plus exposés au danger étaient le premier et le neuvième étages : la direction de la Justice navale.

Mes vendredis de liberté étaient comme cela : avoir la direction de la maison jusqu'à 8 heures du matin, emmener les enfants au collège et enfin, prendre la route côtière en écoutant des cassettes de Leonardo Favio. Je ne fus jamais trop intellectuelle.

Une fois arrivée au commandement de la Justice navale, il fallait laisser la voiture et monter l'escalier du bâtiment Libertad, sachant qu'à n'importe quel moment une balle pouvait traverser mon dos. De la transpiration, du froid, présentation des documents pour rentrer dans l'édifice. À quelques mètres de mon bureau, éclata une bombe que portait sur lui un conscrit guérillero. Une autre fois, on tenta d'empoisonner l'amiral qui avait la direction de la Justice navale.

À 3 heures de l'après-midi Juncal 854 ; j'abandonnais le monde du danger pour rentrer dans le groupe d'appartenance, de fuite et de référence.

C'est là-bas où commencèrent des histoires qui me conduisirent à me poser des questions : être un étranger dans un autre pays ; Gertrudis von L… aristocrate russe était mariée à un représentant de Krupp. Ils étaient les plus forts, les plus riches jusqu'au moment où l'Argentine déclara la guerre à l'Axe à la fin du conflit. Les biens des familles allemandes impliquées dans la guerre de 1939 à 1945 furent confisqués. Gertrudis constitua, chez elle, un salon littéraire de style xviiie siècle, en plein Buenos Aires dont l'objectif  je crois  était de survivre d'une manière quelconque aux avatars économiques.

C'était le noyau d'un réseau de relations sociales qui mêlaient l'aristocratie européenne à l'aristocratie argentine. Ainsi, nous faisions connaissance les uns et les autres. Parmi l'aristocratie européenne, il y avait certaines grandes fortunes comme celle de Mira von Bernard.

Un troisième étage, celui de Gertrudis. La voiture dans le parking de l'église de Las Mercedes. Soudain, je me sentais jeune, jolie, élégante, intelligente et heureuse. Je rentrais chez elle. La maison sentait le parfum de la confiture de fruits mélangé à l'encens ; le piano à queue, les rouges profonds, car la couleur rouge dominait. Cette maison était devenue le point clé pour se faire connaître. Ce ne fut pas par hasard que mon cabinet fut privilégié par l'aristocratie européenne et argentine.

Néanmoins, il y avait des moments où j'avais le cœur gros, car je savais que la couleur, la musique, les différentes langues parlées aussi bien que tout ce monde culturel ne suffisaient pas à calmer l'angoisse de savoir que mes enfants existaient et que j'avais peur.

Alors tout disparaissait. Je devais revenir à la maison de toute urgence pour serrer mes enfants dans mes bras. Oui, je devais les serrer, je les serrais. Je mangeais un sandwich et me mettais à étudier en face de la télévision, lorsque les quatre jouaient à des projets secrets ou manifestes. Les trois plus petits ne savaient peut-être pas comment on pouvait souffrir et combien il était nécessaire de fuir la faiblesse pour leur offrir un modèle de force. Même maintenant, je me sens menacée par les larmes, par ces larmes qu'alors je ne pouvais pas verser. J'étais si fatiguée d'avoir à réprimer l'angoisse que je m'endormais sur la jupe de la plus petite, tandis que les trois autres jouaient à côté et se disaient : « Ne parle pas fort, maman dort… » Et maman était si petite ! Et nous étions en vie tous les cinq et je les protégeais en me laissant protéger. Aimer, c'est une éternité, c'est un instant, une coexistence très complexe des passés et des futurs : il ne faut pas penser, il faut juste laisser venir, contempler. J'aurais voulu aussi que nous nous enfermions tous dans la maison et que les enfants ne retournent plus à l'école. Avec le recul, je me vois chercher la manière de leur faire partager la sublime intimité de ma maison d'enfance.

Cette image ne peut pas avoir de fin. Je m'en retire correctement, car cette gloire fugace n'existe plus et, aujourd'hui, ce ne sont plus les années 1973, 1974, 1975, 1976 ; c'est simplement le 26 février 1997, et je suis dans le monde, point final.

***

Un peu plus sur Perón

Que voulaient-ils de Perón les jeunes ? La question demeura ouverte, mais il n'y avait qu'une seule réponse : « Un père. » Le père archétypique, actif, créateur, quelqu'un les forçant à se réveiller.

Notre génération, la mienne, fut une génération dont les parents dormirent sans opportunité ni poids politique. Les nouveaux parents  nous  étaient, par conséquent, nuls pour satisfaire les désirs de transcendance et de nationalisme, car le poids politique de l'Argentine et la dictature péroniste firent que nous fûmes plus au courant de la Première guerre mondiale et des conflits de guerre de Corée et du Vietnam. Nous ne savions plus dans quelle dimension nous vivions. On nous noya dans des vins français, du thé anglais, des jeans américains et des séries étrangères télévisées.

Buenos Aires était une île, un conte de plus de la vieille Europe ; un coin plus large et oxygéné de la divine Europe. Paris, Rome, Madrid émergeaient à la tombée du jour sur l'avenue Quintana, sur l'avenue del Libertador. Avec les petits enfants dormant à la maison, nous restions jusqu'à l'aube dans les cafés élégants du quartier nord. Nous fûmes la génération de la Dolce Vita de Fellini, de Hiroshima mon amour d'Alain Renais et de Il y a un an à Marienbad.

Nous fûmes des parents qui créèrent le silence et effacèrent l'identité nationale, car nous ne l'avions jamais connue nous-mêmes. Perón répondait à ce besoin d'identification projective et on voulut l'imposer. Au-delà de tout cela, il était l'archétype de la révolution et donnait la mort aux modèles insuffisants que vivait chaque jeune dans son foyer.

Mais Perón mourut bêtement. À vrai dire, les morts sont, parfois, bêtes lorsqu'elles ont lieu dans le cadre d'une période vitale, héroïque et sans scrupules comme celle qui était la sienne. Perón alla un jour du mois de mai rendre visite à des bateaux de l'armée argentine. Il avait presque quatre-vingts ans et prit froid. Il perdit en quelques jours les réserves d'amour et de haine qui lui avaient permis d'être considéré comme une « force de la nature » et mourut le 1er juillet.

Après avoir harangué les jeunes pour créer une force, enfin unifiée et sans dissidence, il les laissait brutalement abandonnés, divisés et orphelins. Plus confus que jamais, ils ne purent que s'identifier au mythe, sans pouvoir parvenir à se différencier et à acquérir une identité. Ainsi, le chaos arriva ; le chaos romantique : « Donner la vie pour…pour qui ? Pour quoi faire ? Avec quel sens ? »

Les générations se séparèrent à mort. Les chemins bifurquèrent. Qu'est-ce que les jeunes voulaient de Perón ? Un père, enfin, tout puissant qui leur parla comme on peut parler aux adultes. Et ils n'obtinrent qu'un père mort ; ils se sont donc réfugiés dans une nouvelle situation d'orphelins, moins tragique que celle de leur foyer d'origine, parce qu'il y avait beaucoup de frères et de drapeaux pour les identifier en tant que groupe.

À Tucumán les guérilleros gagnèrent du territoire et voulurent le revendiquer comme territoire indépendant et le voir reconnu par les grandes puissances. Recherche évidente d'un autre père. Tout se frustra. L'inimitié entre les générations ne finit pas, mais le chloroforme des convenances et la commodité apaisèrent les esprits. Peut-être que les choses auraient pu s'arranger avec de bons analystes.

(Footnotes)

1 Estamento(s) se dit d'un groupe, à l'intérieur d'une classe sociale, partageant des intérêts communs (profession, richesse, mariage endogamique, etc.).

2 C'est le sociologue Ralph Darendörf qui appelle «classe flottante

 » celle qui va et vient entre la classe moyenne et la basse classe.

3 Le mot gamulán (au pluriel

 : gamulanes) signifie manteau de mouton renversé.

4 Adjectif du substantif

estamento

Doctora E. Graciela Pioton-Cimetti



Dans un monde, qui m'apparaît comme entraîné dans une lente, mais inexorable déliquescence, qu'est-ce qui peut faire tenir une société, une communauté, le lien social existant ?

Ne trouvez-vous pas :

· qu'il y a plus de violence dans notre monde, dans notre pays, dans notre entourage, comme peuvent en témoigner les guerres dans plusieurs régions du monde, une montée de la violence dans la plupart de nos sociétés occidentales, où la France est loin d'être épargnée, même si les déclencheurs sont justifiés, le mode de résolution du problème ne l'est certes pas,

· que les relations aux autres dans notre environnement proche sont de plus en plus teintées d'égoïsme et d'individualisme, plutôt que de bienveillance ?

Bien sûr, il s'agit plutôt d'une tendance et non de basculements brutaux. Et les changements ne portent pas que sur les sociétés humaines, notre environnement de vie est de plus en plus souvent et plus durement touché par des épisodes climatiques sévères, avec son lot de conséquences dramatiques sur nos communautés humaines.

Qu'est-ce qui pourrait freiner ce mouvement général ? Qu'est-ce qui rend nos sociétés et civilisations plus résilientes ?

L'historien nous explique, bien à raison, que les sociétés se sont développées à partir de l'organisation des communautés, en général des chasseurs-cueilleurs, en cités, avec leur organisation, leur hiérarchie, leur système de lois et la répartition du travail et des richesses entre ses différents éléments de population.

Un élément clé est l'équilibre entre ce que la société demande aux « travailleurs » et ce que, en retour, elle leur apporte, ce que l'on nommerait maintenant « pouvoir d'achat », mais aussi en protection, en droit à participer à la direction de la société, en liberté, en système de valeurs où elle se reconnaît, en ce qu'elle permet de construire son identité individuelle…

Si l'élément économique est devenu fondamental, voire essentiel dans nos sociétés de consommation, l'expérience montre qu'il n'est bien traité que si quelques personnes disposant de richesses importantes s'en servent intelligemment et avec efficacité pour produire plus de richesse pour le bien de tous. Ces mêmes personnes peuvent devenir des modèles pour les autres, des objectifs à atteindre, montrant que chacun peut réussir au plan économique et social, à condition toutefois que ces personnes ne soient pas toujours les mêmes à travers les générations, et n'accaparent pas tout le pouvoir économique, mais qu'il y ait un renouvellement, la possibilité aux autres d'accéder à cette position dans la société. C'est tout l'enjeu d'une société ouverte, suffisamment souple pour rendre possible l'ascenseur social au profit de tous.

Mais existe-t-il d'autres domaines également fondamentaux pour le lien social et accessible à tous ? L'observation de l'actualité nous enseigne la place importante que réservent les citoyens au système de valeurs et de lois, qui sous-tend le fonctionnement de nos sociétés. Il suffit d'observer les mouvements d'opinion et de foules, parfois fortes et insistants, autour des questions d'identité, de sécurité, de religion, des questions morales souvent accompagnées, conduites, voire plus ou moins utilisées ou instrumentalisées (pour un observateur averti) par les « autorités » du domaine, des personnalités politiques, religieuses, morales, philosophiques (même si les penseurs suivent les aléas de la mode et de la temporalité) ou reconnues comme tel dans leur domaine.

Nous entrons dans la problématique du prestige social et moral. Être compétent dans un domaine peut être somme toute assez courant avec de la motivation, de l'affinité et une prédisposition, mais en porter la bonne parole aux autres, requiert des qualités spécifiques de communication et morales, souvent innées, rarement acquises, éventuellement développées, qui ne sont pas à la portée de tous. A contrario, un homme ou une femme de communication (par exemple un politique, un journaliste…) ne s`est pas toujours approprié un domaine particulier afin d'en devenir un porte-parole auprès des autres.

Souvent le prestige et social moral exige cette double dimension afin d'être connu et reconnu par les autres, comme par exemple, depuis le développement des réseaux sociaux, les influenceurs.

Le sage nous apprend que la foi déplace des montagnes. L'observation des personnalités nous le démontre au quotidien. Quel honneur d'être porteur, même a minima au sein d'un cercle restreint, d'un prestige social et moral dans un domaine, quel qu'il soit, plus particulièrement quand on se sent investi et porté par une force intérieure, que je qualifierais de « sacrée ». L'être humain a besoin de lumière, si ce n'est pas pour éclairer son chemin, c'est surtout pour éclairer sa réflexion afin de devenir en quelque sorte, lui-même, un porteur intérieur de prestige social et moral auprès de ses nombreuses personnalités parcellaires.

Hervé Bernard



Samedi dernier, lors d'une soirée de travail où étaient évoquées les fléaux que traversent aujourd'hui notre planète et nos existences, il m'est venue la pensée suivante : « L'homme a le prestige qu'il mérite ». Il est à sa mesure, à ce qu'il est réellement.

Il ne s'agit pas d'un jugement qu'il ne m'est plus possible d'exprimer, mais d'un constat reposant sur une réalité physique, matérielle. Un chien ne fait pas un chat.

Le Christ décrit parfaitement cette réalité objective dans la parabole du semeur.

Un grand philosophe/psychologue empirique a écrit : « Il est impossible de se libérer d'une influence sans s'assujettir à une autre, mais l'homme peut choisir ».

Qu'on le veuille ou non, nous sommes tous responsables, chacun à notre niveau et plus nous nous « élevons » dans la hiérarchie politique et sociale, plus notre responsabilité est grande.

Dans la continuité de la soirée, la lecture de l'évangile du jour me mettait aussi en résonnance avec le thème de cet article :

Extrait du livre « La perfection spirituelle » de l'Evêque Photicé qui a vécu au 5° siècle après Jésus Christ.

« Celui qui se détache de sa vie en ce monde la garde pour la vie éternelle » (Jean 12,25).

Celui qui aime sa propre vie (Jean 12,25) ne peut pas aimer Dieu, mais celui qui, à cause des richesses débordantes de l'amour divin, ne s'attache pas à lui-même, celui-là aime Dieu.

Un tel homme ne cherche jamais sa propre gloire, mais celle de Dieu, car celui qui aime sa propre vie cherche sa propre gloire.

Celui qui s'attache à Dieu aime la gloire de son créateur. En effet, c'est le propre d'une âme sensible à l'amour de Dieu que de chercher constamment la gloire de Dieu chaque fois qu'elle accomplit les commandements, et de se réjouir de son propre abaissement.

Car la gloire convient à Dieu en raison de sa grandeur, et l'abaissement convient à l'homme, car il fait de lui le familier de Dieu. Si nous agissons ainsi, nous serons joyeux à l'exemple de saint Jean Baptiste et nous commencerons à répéter sans relâche : « Lui, il faut qu'il grandisse, et moi, que je diminue » (Jean 3,30) ».

Essayons de ne pas sur interpréter cette pensée. Je n'exprimerai pas mon opinion, je suggèrerai plutôt un axe de recherche.

« Se détacher de sa vie en ce monde » ne signifie pas s'exclure de ce monde bien au contraire.

« Celui qui aime sa propre vie (Jean 12,25) ne peut pas aimer Dieu » : Dans quel sens comprendre « aimer sa vie », de quel amour s'agit-il ?

« Un tel homme ne cherche jamais sa propre gloire, mais celle de Dieu » : Comment comprendre ce terme « gloire » alors que l'une des caractéristiques que l'on pourrait attribuer à « Dieu » est son « silence absolu », un silence qui questionne, qui interpelle, qui appelle, qui propose ?

Je suis bien d'accord : « Lui, il faut qu'il grandisse, et moi, que je diminue » (Jean 3,30) ».

Devenir plus conscient, plus sensible, plus aimant, plus responsable, là sont les « véritables récompenses » d'un chercheur de Vérité. Et c'est tout.

Fait à Chessy, le 01 Août 2022
Philippe Delagneau



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SOS Psychologue



Peut-on parler de prestige social et moral dans un monde en total décadence et dont l'issue semble bien compromise ?

En effet, nous pouvons constater de plus en plus la destruction à travers les violences, les vols, les agressions, les scandales, les guerres, etc… Quoi dire si ce n'est que le prestige est à la hauteur de ce qu'est l'homme !

La seule et unique issue est celle de l'éveil de l'homme. Mais qui considère qu'il est endormi ? Qui se questionne sur ce qu'il est ? Qui se questionne sur le sens de la vie ? Nous pouvons dire avec certitude : « qu'un très petit nombre de personnes ».

On ne peut empêcher les guerres car c'est le résultat de l'esclavage dans lequel nous vivons. Des forces cosmiques, des influences planétaires sont à leur origine. Si nous étions réellement des hommes, nous serions capables de résister à ces influences et de ne pas nous entre-tuer.

L'éveil demande aux hommes de remettre en question les valeurs passées sur lesquelles ils s'appuient dans leur présent.

Le chemin de l'éveil à soi-même pour celui qui veut se connaître, tenter d'être lui-même est finalement de découvrir par la voie de la conscience le sens même de sa vie.

Fait à Chessy, le 01 Août 2022
Claudine Thomas