NUMÉRO 196 REVUE QUADRIMESTRIELLE avril - octobre 2024

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Auteur Titre de l'article Título del artículo
 
 
Pioton-Cimetti, E. Graciela Travail et famille
  Introduction à la psychologie de Jung Introducción a la psicología de Jung
 
Bernard, Hervé Editorial Editorial
  Famille et patrie
  La psychologie jungienne
 
de Pierrefeu, Jacqueline Famille et patrie Familia y patria
 
Delagneau, Philippe Famille et patrie
 
Giosa, Alejandro Familia y Patria
 
Mercurio, Norberto Famille et Patrie Familia y Patria
 
SOS Psychologue Séance d'analyse de rêves de mai 2024
  Séance d'analyse de rêves de juin 2024


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Pour illustrer le thème « Famille et patrie », je propose l’article de Graciela écrit en 2002 sur le thème « Travail et famille », car le travail renvoie à l’organisation d’une société, avec une répartition des activités de production de biens ou de service où chacun avec l’accomplissement de sa tâche librement acceptée au terme d’un contrat dans un cadre social (« contrat » selon lequel l’homme travaille et en retour la société assure la protection et le bien-être de tous ses membres).

Depuis mars 2024, une nouvelle rubrique a été créée : "A propos de Jung", afin de mieux poursuivre la pensée et l’œuvre de Graciela, qui a fait connaître en France dès les années 70 la pensée jungienne en France. Le thème abordé dans ce numéro est la psychologie jungienne :

La citation de Jung pour ce numéro :

« Tant que vous ne rendez pas l’inconscient conscient, c’est l’inconscient qui dirigera votre vie et vous l’appellerez destin. »



Selon les sociologues, le travail est le seul fait de l’homme normal puisqu’il est refusé par le criminel et inaccessible à l’aliéné. Selon Janet : « bien des faits psychologiques dépendent de cette notion fondamentale du travail : l’attention volontaire bien différente de l’attention spontanée ; la patience pour supporter l’attente, l’ennui, la fatigue : l’initiative, la persévérance, l’unité de la vie, la cohérence des actes et des caractères, toutes choses qui ne sont pas seulement des vertus, mais des fonctions psychologiques supérieures. »

L’individu a besoin d’agir pour se rendre utile à sa famille, à sa patrie, à l’humanité. Quand il prend conscience de ces faits, il comprend que son travail, si pénible, si ennuyeux soit-il, est nécessaire à la société dont il fait partie. Il peut souhaiter améliorer les conditions de son labeur, sa rémunération, sa considération. Il garde le respect de lui-même en appréciant la valeur de son effort.

Pour des raisons diverses depuis un siècle, l’homme ne trouve plus dans le travail, l’épanouissement qu’il devrait en attendre et, de tous côtés, on observe une instabilité, des exigences et des craintes qui ne permettent guère d’imaginer son épanouissement dans le travail.

L’acte essentiel de la vie économique est le travail. Il exige de nous attention, effort pour adapter de façon précise nos actes à la réalité, soumission à une discipline quotidienne.

Marx, lui-même, écrit que « le domaine de la liberté commence seulement là où cesse le travail déterminé par la nécessité et la finalité extérieure… ».

Le développement de la production moderne pose un problème touchant la valeur morale. Il s’agit notamment de la critique qui consiste à accuser la grande production d’avoir corrompu l’homme, soit en lui suscitant des besoins artificiels, soit en lui procurant trop de bien-être et en le déshabituant de l’effort.

Pour répondre, tout de suite, à ce dernier grief, il n’y a aucun intérêt moral à ce que l’homme dépense son énergie à lutter contre des contraintes matérielles dont il est parvenu à se libérer. Les inventions contemporaines apportent assez d’inquiétudes pour l’avenir pour que nous ne leur reprochions pas le confort qu’elles nous procurent.

Quant aux besoins artificiels, il est bien vrai que la grande production, appuyée d’ailleurs par cette autre technique, la publicité, produit certaines inquiétudes. L’alcoolisme en est le plus fâcheux exemple. Le tabac ? Faut-il condamner son usage ? Que penser de ces familles chez lesquelles le cinématographe est devenu un besoin si impérieux qu’elles y vont régulièrement quel que soit le film présenté, ou de celles chez lesquelles la télévision ou la radio fonctionne régulièrement ? Faut-il proscrire les industries de luxe ?

Si ces besoins sont trop souvent dépassés, c’est que l’homme moderne n’a pas toujours la volonté nécessaire pour se distraire honnêtement sans pour cela devenir esclave de ses plaisirs. C’est aussi, il faut bien le dire, parce qu’il y est invité par des gens qui tirent profit de cette faiblesse morale. Ce qu’il faut incriminer ici, ce n’est pas la production elle-même, c’est un régime social fondé exclusivement sur l’appât du gain et la recherche du profit. Tout est question d’équilibre et de mesure.

***

La famille telle qu’elle est constituée dans nos civilisations comprend deux groupes sociaux qui s’y confondent : la société domestique ou groupe des parents et la société conjugale ou groupe des époux et de leurs enfants.

Son rôle comme groupe conjugal est devenu de plus en plus important.

En même temps que groupe d’intimité, la famille est un groupe complet, c’est-à-dire qu’elle prend l’existant humain par tous les aspects de son être, par son être physique comme par son être social et son être idéal. Notamment par son être social : car tout ce que nous faisons au dehors, dans notre vie professionnelle, politique, etc., s’y répercute nécessairement.

Fait à Paris, en octobre 2022

1 : publié dans le n° 80 de la lettre de SOS Psychologue « Travail et famille ».

Doctora E. Graciela Pioton-Cimetti



Le thème "Famille et patrie" est le dernier défini par Graciela avant son départ pour l’éternité.

J’ai toujours pensé et d’ailleurs constaté qu’elle ne choisissait jamais au hasard les thèmes pour la lettre de SOS Psychologue, mais de manière pertinente, notamment vis-à-vis du contexte social, voire civilisationnel de notre époque, de notre monde, et cela bien à l’avance (Graciela avait défini une dizaine de thèmes en décembre 2021 pour les prochains numéros, dont ce thème, il y a près de 3 ans).

A l’heure grandissante de la mondialisation et des réseaux de communication, toute problématique a un retentissement qui dépasse la plupart du temps les contours d’une communauté, d’un pays, malgré les résistances locales culturelles, historiques, politiques... qui tiennent (je pense aux dictatures ou communautés vivant en autarcie) ou ne tiennent pas. Par ailleurs je pense qu’il existe des forces inconscientes et invisibles qui traversent les frontières, même les plus hermétiques comme une dictature, comme des ondes électromagnétiques ou de gravité. Pour ces raisons, je pense que les notions de famille et de patrie, comme structures organisant la vie des individus, sont universelles, meme s’ils peuvent prendre localement des formes parfois très différentes, essentiellement liées à la cuture et à l‘histoire. C’est un fait historique qui transcende l’espace et le temps, que je ne peux m’empêcher de rapprocher de l’ionconscient qui ignore l’espace et le temps. Sans vouloir en faire une analyse complète, tentons d’en cerner quelques aspects !

A l’heure où les points de repère sociaux s’étiolent, voire se délitent, où l’homme semble chercher à se libérer, au-delà du bien et du mal, à tort ou à raison, de siècles de morales culturo-religieux, ou a contrario s’en nourrit plus, parfois à l’excès, où les tensions, la confusion, la violence s’engouffrent dans ces vides (ou accompagnent ces trop pleins) « sociétaux » ainsi créés (avant de devenir des vides, on pourrait aussi parler de ventres mous), que deviennent des valeurs ancestrales qui dépassent toutes les frontières, sociales, culturelles, communautaires, politiques, et surtout historiques : la famille et la patrie.

D’un point de vue sociologique et historique, nous pouvons remarquer que la famille (j’entends famille au sens le plus strict, les parents et leurs enfants), a quasiment toujours existé dans toutes les civilisations et les cultures. La famille est souvent la cellule élémentaire de toute communauté humaine. Je ne souhaite pas discuter de ses modalités d’organisation et des vicissitudes de son fonctionnement (ce serait un autre thème très vaste) :

  • le père et la mère peuvent se séparer dans un divorce avec la mise au point de règles sur la garde et l’éducation des enfants,
  • une famille peut vivre en symbiose avec d’autres familles dans certaines communautés (par exemple les kiboutz ou certaines communautés religieuses),
  • une famille peut accueilllir d’autres éléments de la famille élargie ou étrangers, maintenant deux hommes ou deux femmes peuvent s’unir et adopter des enfants dans certains pays…

Je me réfère au schéma de base, hors duquel toute communauté humaine ne saurait survivre. En effet une communauté humaine sans enfant et sans immigration s’éteindra inexorablement.

Dans tous les cas des liens forts unissent les membres d’une famille, qu’ils soient de sang entre les parents et les enfants, et/ou validés par la société ou par une religion comme dans le mariage. La plupart du temps ces liens sont fortement chargés symboliquement dans la conscience collective, inscrits profondément dans la construction culturelle (souvent imprégnée de valeurs religieuses) dont relève la communauté dont dépend la famille et, enfin, par un système de lois (en général écrites, parfois orales) pour mieux préciser ces deux éléments précédents, en particulier pour protéger la famille et chacun de ses membres et préciser les devoirs de chacun. Nous pouvons aussi observer que nous retrouvons également le même schéma chez la plupart des animaux (en effet chez certaines espèces, le mâle peut être absent ou éloigné après l‘accouchement des petits, la femelle restant seule avec ses rejetons), mais la culture et la loi sont remplacées par un apprentissage propre à l‘espèce et certainement une part d’inné.

L’histoire des peuples a toujours montré que vivre en groupe permettait d’être plus fort, plus résilient vis à vis de l’adversité de la nature. C’est probablement en partie en se regroupant que l‘homme a pu se développer plus rapidement que les autres espèces, avec le partage de la force et de l’intelligence, pour atteindre à notre époque une position de puissance sur la Terre. Mais certes ce n’est pas le propre de l’homme, car de nombreuses espèces animales vivent en groupe pour mieux se protéger, notamment les petits, et mieux assurer une survie de l’espèce.

Mais en se développant en force et en nombre, pour gérer la problématique de la vie et de la survie, dans un monde intrinsèquement dangereux, l’homme a été contraint de déplacer le problème de la sécurité à un niveau plus élevé que le niveau familial. Une famille ne peut rien faire seule sans une structure supérieure qui la protège. C’est à la fois une nécessité et une opportunité.

Mais comment faire tenir ensemble des êtres humains aux profils si différents, par la force des choses et selon les lois de la diversité, aux plans culturel, religieux, intellectuel, physique, économique, psychologique… ?

Bien sûr les Etats existent. De part le monde, au delà des guerres et des conflits, tous les Etats (ou presque) se reconnaissent et sont censés suivre un droit international leur permettant de vivre en bonne intelligence. Au dessus, l’ONU tente, tant bien que mal, de faire régner un ordre supranational dont l‘objectif est de régler les différends et conflits entre Etats.

Mais un Etat ne peut tenir de l’intérieur que si des forces internes maintiennent une certaine cohésion sociale, faute de quoi adviennent le désordre, la confusion, le chaos et la guerre civile : le droit finit par etre supplanté par la loi du plus fort. C’est le lien social. Il est difficile d’expliciter ce qu’est le lien social, car c’est un système ou plutôt un processus complexe. On pourrait définir très généralement le lien social, comme tout ce qui permet à des individus d’une communauté de vivre ensemble, on pourrait ajouter, avec le meilleure harmonie et le bien-être possibles (ces deux notions sont très relatives selon l’Etat, parfois bien défaillantes), par exemple (même si chaque item peut apparaître comme optionnel) :

  • se déplacer sans crainte d’être agressé ou attaqué par l’autre,
  • déléguer un pouvoir ou un bien à autrui ou à une organisation, sans craindre d’être dépouillé,
  • exprimer ses opinions librement sans crainte : sans craindre d’être sanctionné, mis à l’index, mal jugé,..
  • exercer un pouvoir de propriété, sans craindre d’en être dépossédé,…

Ces deux notions d’harmonie et de bien-être sont des objectifs parfois bien difficiles à atteindre. Mais s’ils ne parviennent pas à un certain niveau pour la majorité, une déception apparaît, qui peut se transformer en colère, voire en haine, un décrochement survient, qui finit par aboutir à des naufragés de la société, je pense aux SDF, aux marginaux, aux forces extrémistes, parfois violentes, avant que cela que cela ne déborde sur l’ensemble de la société. Dans le cas de dictatures, la colère peut être fortement réprimée, voire refoulée. Mais la charge affective ne disparaitra pas, elle peut se transformer, avec le risque d’une explosion ou d’une profonde névrose de la société.

Je dirais aussi que le lien social est un peu comme le système bancaire à l’échelon local ou international : le système ne tient que par la confiance que chacun accorde au système bancaire. Pour que le lien social se construise, chacun des citoyens d’un état, chaque groupe (par exemple les entreprises, les associations…), chaque communauté (par exemple religieuse, ethnique…)… doivent avoir confiance dans le système, représenté par le président, le gouvernement, les élus, les institutions, les administrations (la police, la défense, la santé…), parfois les « chefs » religieux, les différentes organisations, et avoir une place suffisamment confortable dans le système. Et pour que les gouvernants et organisations puissent construire ou maintenir ce lien social et cette confiance ils doivent s’appuyer sur un ensemble de valeurs, de symboles, de récits partagés par le plus grand nombre. Bien sût le cas des dictatures est différent, car le lien de confiance est fortement remplacé par un lien de peur, mais cela reste un lien social, même s’il comporte un versant toxique.

La France a institué la république durant la révolution française, en s’appuyant sur la liberté, l’égalité et la fraternité. Notre pays, la France, en proie, sans doute depuis des décennies, à une crise politique, sociale, économique, majeure, surtout caractérisée par des fractures sociales, cherche à établir, par le biais notamment de nos politiques, de nouvelles valeurs : la république (mais cela ne fait que déplacer le problème, car que met-on derrière le mot « république » : la laïcité, l‘identité, une ré écriture de notre roman historique, un ensemble de valeurs élaborées à partir de la déclaration des droits de l’homme, une définition plus précise des 3 principes de notre république ?), un nouveau contrat social, un renversement de la gouvernance, un idéal de société…

L’important n’est pas tant le choix des valeurs mais que ces valeurs reçoivent l’assentiment du plus grand nombre, et soit assis sur une réalité historique (les valeurs anciennes peuvent être reprises, mais aussi aménagées/remplacées en fonction de l’évolution de la société) et correspondent à l‘intérêt général. Il est bien évident que ces valeurs doivent tenir compte de l’évolution historique et sociologique d’un pays : rien ne saurait être figé dans notre monde constamment en mouvement et où tout est éphémère.

Pour ma part les notions de lien social et de patrie sont convergentes. Je pourrai aussi dire que la notion de patrie est une réponse historique à la question du lien social, car elle s’appuie sur une réalité et un récit historiques.

La notion de patrie est fondamentale pour faire fonctionner normalement un pays et surtout permettre à ses citoyens de traverser les crises avec le moins de stress et de dommages possible et surtout permettre un pays de se rassembler, i.e. mettre en action toutes ses ressources et ses forces, par exemple en cas de « guerre » (quand des forces, pouvant être internes - la violence de groupuscules, la drogue… -, menacent l‘intégrité du pays).

Par ailleurs, un citoyen peut trouver sa patrie à un niveau différent de son pays : se sentir européen, citoyen du monde ou fortement attaché à sa région…

Hervé Bernard



Que d’illusions, de désillusions et de souffrances inutiles pourraient être épargnées, que de conflits et de guerres pourraient être évités, si l’homme en lui-même, de la posi-tion qu’il occupe, géographique, raciale, sociale, religieuse, familiale, pouvait tendre vers une aspiration plus élevée, plus subtile, celle que traduit cette pensée qui m’a été transmise : « L’homme sera déjà bien évolué lorsqu’il aura compris que l’homme est UN, que l’humanité est UNE ».

Il ne s’agit pas seulement d’une com-préhension savante à partir de lectu-res philosophiques, théologiques et autres, il s’agit d’élaborer une com-préhension totalisante fondée sur la fusion du conceptuel et des événe-ments vécus, questionnés et explorés en chacune des parties constituantes de notre être, notre penser, notre sen-timent, notre corps.

Pourquoi ces divisions et subdivisions artificielles qui n’ont d’égal que le « génie » de l’homme ? pourquoi ces différences accaparent t’elles presque tout mon espace de vie, mon temps et mon énergie ? qu’est-ce qui ne va pas dans cet échantillon d’humanité qui est moi, ou pour être plus exact, qui est nous en moi ?

Qu’est-ce que je n’ai pas construit ? qu’est-ce qui n’existe pas ou qui n’est pas présent en moi pour res-sentir au plus profond de mon existence le besoin, la nécessité, l’appel de cet « autre Etre » ? qu’est-ce qui s’oppose à mon re-tour dans ce jardin d’Eden à ce de-gré de conscience et d’Etre ?

Laissons venir, contemplons, por-tons la question sur notre incapaci-té réelle et permanente à vivre en nous concrètement un humanisme plus élevé, plus vibrant, reposant sur des valeurs Etriques fondamen-tales que sont la Foi, l’Espérance et l’Amour.

Fait à Chessy, le 23 novembre 2024
Philippe Delagneau



La relation entre famille et patrie est souvent perçue comme étroitement liée, car elles représentent toutes deux des entités fondamentales qui façonnent l’identité individuelle et collective. La famille, premier lieu d’éducation, transmet des valeurs, des traditions et une culture qui renforcent l’appartenance à la patrie, c’est-à-dire à une nation ou un pays.

Dans de nombreuses cultures, la patrie est vue comme une extension de la famille, un lieu de protection, de solidarité et de continuité. La famille enseigne aux générations suivantes l’amour et le respect pour la patrie, créant un lien affectif profond avec celle-ci. À son tour, la patrie peut être considérée comme un protecteur des familles, en fournissant un cadre légal, économique et social qui assure leur bien-être et leur sécurité.

Cependant, cette relation peut aussi être conflictuelle, par exemple lorsque les intérêts de la famille et ceux de la patrie divergent, ou quand l’État impose des choix difficiles aux familles, notamment en temps de guerre ou de crise économique.

En somme, la famille et la patrie sont deux piliers interconnectés qui contribuent à la formation de l’identité d’un individu, tout en étant sources de soutien mutuel, mais aussi parfois de tensions.

Jacqueline de Pierrefeu



Fait à Chessy, le
Philippe Delagneau



J'ai voulu essayer de transférer les idées et les concepts jungiens au plan social. C'est une bien lourde tâche.

Jung s'est toujours soucié de l'homme concret et sa psychologie – de fort enracinement empirique – est non seulement de portée académique, mais surtout de portée pratique.

Néanmoins, l'étude de la personnalité concrète l'a indéfectiblement porté à considérer le parcours psychique de l'individu en fonction de son contexte social. Ainsi a-t-il dépassé les limites d'une simple thérapie individuelle.

Voilà donc la conception unitaire que Jung possède d'une personnalité où agissent synchroniquement et fonctionnellement – sans prééminence hiérarchique – la biologie, la culture, la religion et l'histoire.

Dans un certain sens, l'œuvre de Jung est comme une rivière qui déborde de son lit ; elle ne peut pas être contenue dans la sphère psychologique, car elle déborde sur les terrains adjacents des sciences sociales. L'expression « déborder » ou s'épancher donne l'idée exacte de ce phénomène. Ce n'était pas une tendance naturelle chez Jung que de se consacrer à l'étude de la psychologie. À maintes reprises, il a manifesté qu'il aurait préféré ne s'occuper que de questions sociales, mais sa compréhension des fondements historiques de la personnalité individuelle et, en particulier, de la confusion psychologique de notre temps l'obligea à cette étude2.

Laissons-le nous livrer sa pensée :

« Quiconque veut comprendre les êtres humains devra accrocher la toge doctorale, dire adieu aux études et se mettre à marcher au milieu du monde le cœur ouvert. Là, au milieu des horreurs de la prison, de l'asile et de l'hôpital, dans les tavernes, les bordels et les tripots, dans les cercles élégants et à la bourse, dans les assemblées socialistes, dans les églises et dans les réunions de sectes, à travers l'amour et la haine, à travers l'expérience de la passion dans sa propre chair, il trouvera, sous toutes les formes, un capital de savoir beaucoup plus riche que ne pourront jamais lui donner des traités volumineux. C'est alors que, en véritable connaisseur de l'âme humaine, il saura comment guérir le malade3. »

Commentant ce passage, Progoff souligne que :

De telles exigences ne s'adaptent sûrement pas au goût ou à la mentalité d'un respectable citoyen helvétique comme Jung l'était finalement, en grande partie, par sa culture3.

C'est en m'attaquant aux projections sociales de la pensée de Carl Gustav Jung que j'assume une grave responsabilité, mais, en même temps, je réponds à un engagement intérieur de longue date. Voilà effectivement de nombreuses années – plus de quinze ans – que j'étudie les chemins ouverts dans les sciences sociales par ce pionnier de la psychologie profonde afin de le faire connaître en Argentine comme dans le reste de l'Amérique latine.

Ce travail a un autre objectif, qui n'est pas de moindre valeur personnelle ou affective : il veut être un hommage au Dr Carl Gustav Jung pour le centenaire de sa naissance.

Buenos Aires, 1975

1 : Chapitre « Introduction » de « Aspects psychosociaux de C. Gustav Jung », E. Graciela Pioton-Cimetti de Maleville (Thebookedition, 2010).
2 : Progoff Ira : La psicología de C. G. Jung y su significación social, Ed. Paidos, Buenos Aires, 1967, p. 24.
3 : Jung C. G. : Dos ensayos sobre psicología analítica, en obras completas, Ed. Routledge y Kegan Paul, London, t. VII, p. 2.
4 : Progoff Ira : La psicología de C. G. Jung y su significación social, op. cit., p. 25.
Graciela Pioton-Cimetti de Maleville



Je vais tenter de donner quelques éclairages et points de repère sur ce qu’a apporté Carl Gustav Jung à la psychologie, plus particulièrement à la compréhension de soi-même, car c’est un auteur encore méconnu en France, parfois mal jugé, et surtout parce que son apport m’apparaît plus que jamais d’actualité.

Tout d’abord, quelques repères historiques pour comprendre la pensée de Jung, avec ses volets théoriques et thérapeutiques, mais aussi sa genèse.

Carl Gustav Jung est né en Suisse près de Bâle en 1875. Il est devenu successivement psychiatre, puis psychanalyste, jusqu’à sa mort en 1961 à Küssnacht en Suisse. Issu d’une famille de pasteurs originaire d’Allemagne, il a vécu la majeure partie de sa vie en Suisse.

Disciple de Freud, il a participé activement à la naissance de la psychanalyse, à la fin du XIXème et au début du XXème siècles. Il devint ami de Freud (1856-1939), dès leur première rencontre en 1906. Mais ils ont fini par se brouiller, quand Jung a théorisé que la libido, qu’il a rebaptisé « énergie psychique », n’était pas uniquement d’essence sexuelle (comme le prétendait Freud et que Jung nommait « dogme freudien »), mais était plus largement un dynamisme d’origine inconsciente.

C’est à partir de cette époque, qu’il va élaborer peu à peu sa théorie en puisant dans les observations de sa propre pratique thérapeutique, d’ailleurs comme nombre de ses confrères. L’origine religieuse de sa famille, sa position d’observateur de nombreux bouleversements de son époque (la révolution industrielle, l’évolution des disciplines scientifiques, de la pensée philosophique, l’explosion de la technologie, les profonds changements sociaux, politiques et géostratégiques liés aux deux guerres mondiales) ont fortement alimenté sa pensée et contribué à enrichir son analyse du monde et du psychisme humain, qui l’ont conduit à proposer une vision large et complète de l’homme dans son environnement.

***

La vision de Jung peut être décrite :

  • comme universelle,
  • permettant une compréhension de soi-même,
  • et en lien avec :
    • le passé de l’humanité, ses développements culturels et religieux,
    • son expérience consciente,
    • et avec une perspective de son futur (cela renvoie au concept clé du chemin d’individuation).

Notons que Jung durant cette période a connu la solitude du chercheur, devant affronter l’incompréhension et l’adversité de ses confrères, mais c’est certainement le lot malheureusement habituel des découvreurs et des défricheurs de nouveaux chemins. C’est sans doute également le parcours nécessaire pour quiconque aspire humblement mais courageusement à trouver sa propre vérité, à « se réaliser », étant amené à créer et parcourir son propre chemin, comme le passage d’une épreuve qui forge la vie et le caractère.

Examinons l’apport essentiel de Jung, en abordant 4 concepts fondamentaux de la pensée jungienne :

  • sa théorie de la structure de la psyché humaine,
  • les archétypes
  • l’inconscient collectif,
  • le chemin d’individuation.

La psyché selon Jung

La théorisation de la psyché selon Jung se veut ouverte et expérimentale, comme toute sa théorie sur la psychologie, qu’il a dénommé psychologie analytique. Jung nous a enjoint de ne rien considérer comme acquis mais de tenter d’émettre des hypothèses de travail semblant cadrer avec les observations de l’âme humaine.

Jung a proposé la topique suivante de la psyché :

  • la conscience,
  • l’inconscient, qu’il subdivise en 2 niveaux, où le temps n’existerait pas :
    • l’inconscient personnel, qui contient tous les éléments du psychisme, qui échappe à la conscience (émotions, conflits, pulsions, traits névrotiques ou psychotiques, sentiments,...).
    • l’inconscient collectif, notion propre à Jung, et que partageraient tous les êtres animés.

Le moi, notion qui a évolué dans le temps selon les auteurs, notamment Freud, peut être défini, selon une origine philosophique comme « la personne humaine en tant qu'elle est consciente d'elle-même et objet de la pensée ».

Selon Jung, le moi est à cheval entre la conscience et l’inconscient personnel. Pour Jung, le ça (le réservoir des pulsions) et le Surmoi (instance qui comprend les mécanismes de défenses, les valeurs de morale et d’éducation ; le surmoi représente en quelque sorte la Loi intérieure : il censure et veille au maintien des refoulements des pulsions dans le ça, en tant que garant d'une bonne socialisation), qui complètent le triptyque de la seconde topique de Freud, restent toujours valables et pertinents, et sont essentiellement inconscients.

L’inconscient collectif

C’est une notion spécifique à Jung. L’inconscient collectif s’est construit progressivement avec l’évolution des espèces, notamment l’humanité, par couches successives, durant le développement du vivant sur Terre.

L’inconscient collectif est constitué des archétypes, qui structurent la remontée des contenus psychiques de l’inconscient vers la conscience. Plus précisément les archétypes remontent à la conscience sous forme d’images archétypales qui peuvent dépendre de la culture, de l’individu, du contexte de l’individu. Les archétypes se manifestent notamment dans les rêves. Leur identification dans l’interprétation d’un rêve permet d’accéder à la compréhension du contenant latent, i.e, le message envoyé par l’inconscient à la conscience.

Les archétypes

Les archétypes sont des préformes vides qui organisent la vie instinctive et spirituelle, et structurent les images mentales (pensées, fantasmes, rêves...). Les archétypes sont universels, ils sont notamment commun à toutes les cultures. Citons en quelques unes : le père, la mère, l’animus (empreinte et image du féminin chez l’homme), l’anima (empreinte et image du masculin chez la femme), le héros, l’ombre, le Soi.

Le chemin d’individuation

Le chemin d’individuation est la voie individuelle de réalisation personnelle. Jung pense que chaque être cherche dans les épreuves et vicissitudes de sa vie à devenir lui-même, ce qu’il ressent de sa personnalité profonde afin d’atteindre un équilibre et un bien-être intérieur. La vision profonde de Jung est que la vie n’est pas le fruit du hasard, mais synonyme de sens et la recherche de ce sens est le processus du chemin d’individuation.

***

En synthèse, « selon Jung, l’énergie psychique (expression qu’il emploie comme un équivalent de "libido", notion freudienne) est fondamentalement un dynamisme d’origine inconsciente qui pousse à l’établissement d’une relation entre la personnalité consciente et les contenus montant de l’inconscient, et qui vise ainsi à la réalisation de la totalité individuelle. Jung désigne ce dynamisme comme l’archétype de la totalité ou archétype du Soi et il appelle processus d’individuation l’établissement et l’entretien de la relation entre le moi et le Soi ».

Hervé Bernard



Sources :

Marie-Christine Noir



Aurora
« C’est le Drapeau de ma Patrie,
Né du soleil
Que Dieu m'a donné. »

J'ai voulu commencer en citant les vers de la chanson au Drapeau de la Nation Argentine, une chanson avec laquelle chaque matin, en Argentine, les enfants commencent la journée dans les écoles en hissant le drapeau pour débuter la journée d'apprentissage.

Lors de la représentation du 29 septembre de cette année, au Teatro Colón de Buenos Aires, a été présenté l'Opéra argentin "Aurora" d'Hector Panizza, un auteur qui rend hommage à la période de l'émancipation de mai 1810, où le peuple s'est soulevé contre les autorités coloniales espagnoles qui dominaient les territoires d'Amérique.

La chanson « Aurora » émerge du sentiment de liberté des Espagnols nés en Amérique, les « Criollos », et des habitants autochtones qui chantent pour le Drapeau de la nouvelle Nation qui est en train de naître. Lors de la représentation du 29 septembre, le public présent a ovationné lorsqu'ils ont entendu « Aurora » ; les acteurs ont invité tout le monde à chanter ensemble. Le public, debout, a commencé à chanter avec une grande émotion…

Cette expérience, dans un théâtre où les spectateurs deviennent acteurs, en chantant pour la Patrie naissante… c'est l’« Aurora de la Patria mía »… c’est l’expression que je voulais évoquer pour aborder le thème de la « Patrie ».

Cette émotion qui jaillit du cœur, du plus profond de l’être intérieur, pour l'un des symboles les plus représentatifs, les Drapeaux patriotiques.

Les drapeaux sont portés dans les batailles, dans les luttes des peuples qui, unis sous le même idéal, défendent leurs territoires, la terre qui leur offre subsistance et vie, l’histoire du peuple présent, son héritage et sa culture.

La famille est également l’héritage reçu, les souvenirs conscients et inconscients que nous portons depuis la conception intra-utérine, depuis le profond mystère de la chaîne génétique. Nous sommes la conscience présente d’un passé qui se transmet de manière sacrée et mystérieuse dans nos gènes. Nous portons une histoire qui prend vie en nous, qui nous marque, nous conditionne, et nous permet de faire face à l’inattendu, à demain, aux vicissitudes, à la vie…

Nous sommes la famille humaine, unis par les luttes et les plaisirs de notre existence. C’est un temps vécu en communauté, dans le présent, avec les autres, qui nous unit dans le concept de Patrie, ici et maintenant.

Dans notre présent, l’ère technologique, l’irruption des avancées technologiques et scientifiques, apportent une nouvelle dimension… vers les autres peuples du monde. Aujourd'hui, on vit dans plusieurs espaces, le sien et celui de l'autre. Aujourd'hui, un événement se transmet instantanément, il se propage. Les temps d'évolution de chaque peuple sont partagés avec les autres.

Les progrès dans les nouveaux droits acquis, comme la liberté de genre, l'égalité des droits des femmes, les luttes contre l'invasion des territoires, les dangers de la pollution, « la pandémie du coronavirus COVID-19 », les migrations des hommes à la recherche de progrès, de liberté, et bien plus encore, sont le produit de l'évolution des sociétés, et d'une « conscience collective » du temps présent.

Le concept de Patrie et de Famille a dû relever le défi d’intégrer — produit des migrations et de la croissance des échanges commerciaux entre Nations — la langue et les cultures des migrants. Les gouvernants et fonctionnaires publics sont confrontés au défi d’élaborer des politiques d’intégration et d’échange avec les nouvelles populations migrantes dans chaque pays et avec les autres Nations.

Le présent a évolué d'un monde aux frontières fermées et délimitées vers un monde interconnecté, en blocs de pays, de régions. L’espace et le temps ont changé, les joies et les souffrances se ressentent dans chaque point du globe.

Dans la vie quotidienne, et en raison de cet échange, les langues ont intégré des mots qui sont le produit de cette transformation de la vie isolée vers la vie globale. Il est fréquent de participer dans chaque pays aux événements des vicissitudes de l'autre. Récemment, le 7 octobre à Buenos Aires, une marche de protestation a eu lieu contre l'attaque et le massacre du Hamas en Israël. Les images et la prise d'otages, dénoncées à l'international, sont des événements qui blessent l'humanité. Les atrocités dénoncées n’ont aucune comparaison avec des événements militaires passés.

Les conséquences de la guerre entre l’Ukraine et la Russie pourraient mettre l’Europe en danger, tout en influençant également les changements dans l’économie mondiale et les prix de l’énergie et des denrées alimentaires.

Nous devons réfléchir sur le sens de l’évolution que j’ai mentionné plus tôt, en priant pour la paix dans les nations en guerre et pour guérir les blessures des familles en deuil.

Norberto Mercurio
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