NUMÉRO 130 REVUE BIMESTRIELLE avril-mai 2010

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Auteur Titre de l'article Título del artículo
 
Pioton-Cimetti, E. Graciela Proposition de métaphore
  Les 20 ans de « SOS Psychologue »
 
Bernard, Hervé La métaphore
 
Bouket, Gaël La métaphore au cœur du quotidien
 
Giosa, Alejandro La metáfora
 
Maleville, Georges de Extrait de son livre « L'harmonie intérieure »
 
Recher, Aurélien La métaphore
 
SOS Psychologue Séance d'analyse de rêves de décembre 2009


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Je trouve, par hasard, mes poèmes au moment où j'écoute une musique qui vient de mon moi et de mon non moi. Je pars dans une divagation, je me trouve en face de notre dernière photo à Londres et un de mes poèmes que j'ai trouvé aussi par hasard et sans le chercher comme ta photo qui dit :

Devant la fenêtre une rue
Je ne sais pas où elle finit
Il y a des arbustes de mûres
Dans un étrange terrain inculte
Au fond de la longue rue,
À ma droite,
Et de petites maisons blanches à gauche
Sans prétentions
Et quelques pieds de marguerites
Se dressent entre les mûres
Et je n'accepte pas la fugacité
Et je meurs avec les changements de lumière.
Le soleil s'éteint sur les mûres
La longue rue blanche devient grise
Et je n'accepte pas la fugacité
Et je t'attends
Comme chaque après-midi
Et l'enfant dort
Et je meurs d'éternité
Et je sais que tu vas arriver
Lointain
Et la rue s'assombrit encore plus
Et je n'accepte pas la banalité d'exister sans être
Et mes 20 ans millénaires me pèsent
Et peut-être je t'aime… mais pas trop.

Voudrais-tu plus de métaphores ? Je l'ai écrite à Paris comme tous mes poèmes dans certaines nuits où le silence crie fort, quand le sentiment se lance au galop, quand des passages de vie s'illuminent, quand les mots deviennent assez sonores pour se faire écriture.

Ta mort n'a pas été la mort de ton essence, mais comme dirait Spinoza, de tes parties extensives, c'est à dire charnelles, et de tes rapports avec le tout extérieur. Tu es là enveloppé dans la brume de la Tamise en dehors du temps, je ne peux pas dire que tu es dans le passé, l'homme est éternel. Tu es là tes yeux plus vivants encore que les miens tant habitués à se perdre dans les tiens, dans la profondeur sans limite de ton regard, tes yeux aux couleurs changeantes selon le contexte, jamais selon tes états d'âme, car tu savais voiler ton regard et je ne percevais que les lacs si calmes de ton essence. Tes appréhensions passives et tes passions inadéquates. Tu savais si bien les cacher pour ne pas m'attrister, mais je savais qu'au fond du lac la puissance du volcan t'arrachait de ton centre de gravité et à ce moment-là tu ne pouvais pas échapper aux intrusifs souvenirs de tes souffrances passées. Derrière ton calme ton gestuel s'exprimait, il s'agissait de moments de fugacité que j'ai pu immortaliser dans une photo prise au Tremblay en 1990.

Quel problème indicible te rendait inconnaissable, où étais-tu dans tes parties intrinsèques, jusqu'à quel point tu t'es abandonné en t'identifiant à des perceptions de toi et de l'environnement ? J'avais l'impression que des rapports à l'indicible et l'inexistant courbaient ton dos et je sentais que tu portais comme Atlas le poids d'un monde où naturellement j'étais, par ta bienveillance, exclue. Alors tu t'es collé irrémédiablement à la contemplation des horizons noirs avec des oiseaux mourants, des paysages équatoriaux qui te ramenaient au fleuve sans destin de la Sierra Leone que tu avais remonté jadis dans ta vedette et que j'espère tu t'arrêteras un jour, dans l'éternité, de parcourir ce chemin à répétition sans destin.

Oui, j'ai été présente dans cette vague de mélancolie où tu rentrais dans des perceptions inadéquates et inexistantes, paysages prenant la place et déplaçant métaphoriquement parlant même le goût d'une assiette de curry, tu vivais donc dans des affects passion avec ton image d'homme blessé et j'étais l'impuissance même à écouter tes « comme si » et en essayant de connaître ta vision des rapports entre les choses. Amour de premier genre ? Grand Amour ? Rapport de jeunesse plus rêvé que réel, pressentiment d'éternité ? Derrière tout cela, connaissance intuitive qui dépasse la matérialité, l'extension et les rapports entre les choses, connaissance intuitive des essences individuelles, perception enfin des différences entre la vérité et le mensonge. Il y a trois dimensions de connaissance, la connaissance de la matière et du corps matière, la connaissance des rapports entre les choses et la grande connaissance de l'essence. Les parties extensives, le corps ne vit qu'un certain temps. En partant le corps le rapport extensif entre les choses et les personnes disparaissent, mais l'essentiel reste et toi et moi nous sommes là.

Nous avons connu ensemble le partage d'une essence actualisée par l'existence, nous sommes et nous expérimentons que nous sommes éternels. L'homme n'est pas immortel, il est éternel. Veux-tu plus de métaphores pour exprimer encore ancré dans ma chaire et en rapport avec les choses écouter plus de métaphores que toutes celles que j'utilise aujourd'hui pour te parler de nous ? Je trouve un poème à moi naturellement fait à Paris le corps écrit et l'âme écoute et tu es tout et tous, ancré dans leur aurore et dans l'arcane de ma mémoire éternelle que j'ose pénétrer dans le chemin initiatique de ma recherche de compréhension. Voici le poème, il s'appelle le corps et la mort :

C'est sûr, nous étions deux enfants
Perdus dans le bois,
Abandonnés
Mais, qui nous a abandonnés ?
Et comment ? Et quand ?
Hier soir, l'enfant a mal dormi
Samouraï vaincu,
Ton sang sur le sable,
Seulement le sang se libère,
Et cherche la vague, quand tu n'étais pas encore là,
Et nourrit le soupir de la rose
Et la gemme dorée du prunier.

Fait à Paris, le 29 Mai 2010
Il fait froid, le printemps se dérobe
Les rosiers sont lourds,
Mes yeux sont peuplés de distance,
J'arrache les pages de mon livre qui n'étaient pas encore écrites,
Souviens-toi de ma proposition d'éternité…
Doctora E. Graciela Pioton-Cimetti



Discours de la présidente

Dans notre effort, pour nous délivrer de nos limites, nous cherchons des réalisations.

La conception du bénévolat dépend elle-même des fluctuations de notre vie. Ce n'est pas la grandeur du bénévolat qui compte, mais seulement la grandeur des résultats.

Le bénévolat est une certaine forme d'amour. C'était déjà dans le temps, marqué comme une forme d'existence complémentaire pour l'accomplissement d'une vie. Mes ancêtres, dans toute région, pays, contrée, ont pratiqué le bénévolat.

Ma grand-mère était dame rose dans les hôpitaux à Buenos Aires. Mon grand-père a été le fondateur de l'hôpital Saint-Joseph à Buenos Aires, hôpital pour les pauvres et les démunis. C'est en pratiquant le bénévolat, en essayant de sauver les pauvres des villes inondées par le fleuve de La Plata dans les années 30, qu'il est décédé d'une pneumonie.

Aujourd'hui, humblement, je suis, à petits pas, la vocation ancestrale. « SOS Psychologue » est né par amour, simplement pour dire à ce monde diffus, insaisissable et impuissant que la psychologie est pour tous, et qu'une réponse est possible pour toute âme qui souffre, même si le psychisme est déséquilibré.

Et nous voici, l'équipe de volontaires, répondant avec conscience, présence et responsabilité, chaque mercredi, à des emails provenant de différents pays. Le texte commence la plupart du temps par « aide moi, je n'en peux plus ». Et par ailleurs, combien de gens sonnent à notre porte pour savoir où ils sont, où ils vont, ce qu'ils veulent ? La demande n'est jamais très claire, mais nous sommes toujours présents et disponibles pour discuter de questions confuses, compliquées, au sujet du mystère de l'autre. Cet être qui, avant, était indifférencié, devient alors un être en chair et en os, avec une blessure plus ou moins visible, mais toujours une plaie béante.

J'aime mon équipe de bénévoles, chacun avec sa personnalité. Parfois chez quelqu'un d'excessif et affamé de pouvoir, je trouve une étoile de lumière prête à briller comme les Stella Maris dans le ciel, sur une mer dans la tempête.

Il y a quelques années pendant les journées « portes ouvertes » des associations du 16e arrondissement, un de mes actuels collaborateurs, Paul, s'est approché de moi pour me demander de conduire, conseiller et accompagner une équipe de visiteurs de prison. Les années se succèdent et ce groupe de volontaires, confronté à des cas difficiles, est devenu pour moi l'oasis de mon bénévolat.

Enfin, le bénévolat est une histoire d'amour qui ne finira jamais, et je prie le Seigneur pour que cette vocation qui illumine notre groupe, puisse fertiliser les terres stériles des individualistes.

Aujourd'hui nous fêtons les 20 ans de « SOS Psychologue ». Sa fondatrice et présidente a été accompagnée, dans cette démarche de donner et accueillir, par son époux, Georges de Maleville, qui a été notre vice-président jusqu'à son départ, le 16 janvier 2006. Son absence marque sa présence.

En octobre 1999, nous avons fêté les 10 ans de « SOS Psychologue ». Aujourd'hui, nous en fêtons les 20 ans et nous sommes fiers de proposer au public le plus large un recueil des articles de la présidente, déjà publiés dans 126 numéros de la lettre de « SOS Psychologue ».

Maintenant son travail se dévoile pour aller avec moins de prudence au tracas littéraire en écrivant plusieurs livres dont ce recueil de réflexions intitulé « Réponses aux questions ». Au delà de toute considération littéraire il s'agit d'une prose intimiste enracinée dans l'ancestral et ouvert à la filiation.

Nous laissons aux lecteurs le soin de faire ses propres découvertes.

***

Interview

Alors que l'on fête les 20 ans de « SOS Psychologue », quel est l'objectif principal de l'association ?

Démocratiser la psychologie pour que tout homme puisse poser ses questions ; pas n'importe où, mais avec des gens capables de canaliser la question et de comprendre ce qu'il y a derrière et de voir ce qui se manifeste en trame de fond. Nous répondons parfois à des questions qui n'ont rien à voir avec la psychologie (médecine, etc.) et nous trouvons la solution. Je dis toujours, trouver la solution et ne pas chercher la complication. La force la plus grande de « SOS Psychologue » est que chaque article écrit dans notre revue bimestrielle est décliné selon ce qu'est l'auteur à l'instant d'écriture (voir plus loin). Mes collaborateurs qui effectuent les entretiens d'orientation ont toute ma confiance et leurs entretiens de contrôle, effectués sous ma responsabilité, se font ensuite. On ne peut aborder l'autre que si l'on « est » véritablement.

Que sont les entretiens d'orientation ?

C'est se confronter à la confusion, l'écouter jusqu'au moment où l'on trouve la brèche pour poser la bonne question qui peut éclairer la situation et permettre à l'autre de sortir de la confusion. Orientation, cela veut dire éclairage, mise en lumière de ce que nous ne sommes pas. C'est ce qui est derrière qui est intéressant.

C'est réussir à repérer la question dans un appel qui, au départ, est confus ?

Exactement.

« SOS Psychologue » est une association internationale, elle est présente en France et également en Amérique latine : la confusion serait-elle universelle ?

Comme dit Jung : « le foie de l'homme de Cro-Magnon fonctionnait de la même manière que celui de l'homme moderne ». Le psychisme est une évidence ; les événements mondiaux changent les objets internes de l'homme et le contexte socioculturel façonne l'individu. Mais les questions fondamentales (telles que la vie, la mort, où suis-je ?) restent éternelles et sont toujours présentes dans les courriers que nous recevons d'où qu'ils viennent. L'homme en tant qu'être fonctionnel et porteur du psychisme vivant est le même. Ce qui change, ce sont les influences culturelles, les patrons sociologiques. Si nous parvenons à saisir la question cachée derrière la question apparente, nous nous confrontons alors à toutes ses influences socioculturelles gravées dans l'inconscient.

La lettre de « SOS Psychologue » reflète-elle ses influences socioculturelles ?

Oui. À la lecture d'un thème abordé par l'auteur selon ce qu'il est je le répète, permet non seulement aux autres, mais aussi à l'auteur lui-même de reconnaître ce qui est en lui. C'est une communication à un autre niveau d'une richesse incroyable. Personnellement, je décline toujours selon « ce que je suis » et je reçois sans aucun préjugé tous les articles des gens qui sont motivés à dire. Par exemple, un de mes collaborateurs va décliner le thème « s'égarer ». À la relecture de son article, des éléments qu'il aura écrit peut-être de manière moins consciente, feront résonance en lui et il aura ainsi la possibilité de réellement se connaître lui-même. Il va entendre une dimension nouvelle qui lui fera dire « je reconnais ». S'éveillera alors une vérité relative, mais présente. C'est une forme de réalisation de l'être intime.

Doctora E. Graciela Pioton-Cimetti



La métaphore est la politesse de l'inconscient.

L'homme partagé entre sa conscience et son inconscient, cette part de lui-même, qu'il ne connaît pas ou méconnaît, le réservoir de ses pulsions, bonnes ou mauvaises, en fonction de l'usage qu'il en fait ou du fantasme qui le soutient, cherche sa voie, est comme perpétuellement à la recherche de cet équilibre qui résulte de ce dialogue entre ces deux parties de lui-même, opposées par nature, l'une dans la lumière, l'autre dans l'ombre, presque par définition.

Pour s'exprimer l'inconscient ne peut pas se manifester au niveau conscient selon un mode de communication directe, comme deux êtres humains d'un même pays, parlant le même langage, peuvent communiquer. L'inconscient utilise l'image, le symbole, l'analogie, l'équivalence, une représentation particulière chargée de sens à qui est destiné le message.

La métaphore est un de ces modes d'expression, universel et très fréquent, de l'inconscient vers la conscience, qui transcende l'espace, le temps, les cultures…

La métaphore, qui consiste en l'utilisation d'un autre terme que celui qu'il est censé désigner, mais sans artifice linguistique de rapprochement, qui annonce la comparaison, à l'instar de « comme », « pareil à », « qui ressemble à », met ainsi plus en relief la force du message en incitant le destinataire à un effort de compréhension, la richesse de la métaphore engendrée par la distance des deux termes de la comparaison sous jacente renforçant également le poids du message.

La métaphore transporte, car la perception du sens du message nécessite tout un parcours d'analyse, de réflexion avant de résoudre l'énigme voulue par le choix métaphorique.

La métaphore, par l'espace créé entre le sens transmis et le sens perçu, joue le rôle d'amortisseur, vis-à-vis d'une conscience, toujours prompte au refoulement, au déni, quand le message dérange, vient en contradiction avec un certain équilibre psychologique actuel, par nature fragile et éphémère, surtout à une époque où le « zapping » intellectuel est en quelque sorte devenu un sport national, un mode de fonctionnement presque banalisé, le couteau suisse du package culturel de l'homme moderne au pays bien formaté des sociétés de consommation, de la société de consommation.

La métaphore se retrouve à l'état pur dans le rêve, où chacun de nous a vécu des expériences et des histoires de prime abord bizarroïdes, sans aucun sens, mais qu'un souvenir bien net le matin, en nous réveillant, nous laisse avec l'idée que quelque chose nous interpelle, nous réveille dans le flot des activités quotidiennes, de nos soucis, dont nous avons bien souvent du mal à décoller, même durant quelques secondes, le temps d'emprunter un autre chemin, avec la crainte de perdre le fil de qui nous paraît le plus important sur le moment, ou de l'inextricable mille-feuilles de nos obligations.

Pourtant le rêve, comme nous l'ont appris nos maîtres de la connaissance intime de la psychologie humaine, est un langage symbolique universel, mais où les termes de ses phrases, de ses chapitres, de ses livres, s'ils empruntent régulièrement des symboles universels, le plus souvent utilise des objets propres à la vie du rêveur, que seuls ceux qui partagent un même inconscient, sauront décoder avec certitude : le rêveur lui-même quand il aura compris le sens du rêve et d'autres qui percevront également le sens caché du rêve par une sorte de perception instinctive, de sensibilité adaptée, qu'elle soit d'essence innée ou acquise.

La métaphore a le pouvoir d'ouvrir à plusieurs routes, à des opportunités différentes, comme si la vie était un labyrinthe, avec toutes sortes de possibilités de chemins, ou même plutôt une ville avec des tas de trajets, mais aussi des sens interdits et le puissant sentiment intérieur d'avoir à rejoindre un point particulier sans trop perdre de temps et d'énergie.

La métaphore est alors là pour nous permettre de nous ouvrir à d'autres chemins, voire d'autres destinations, dans la mesure où chacun de nous doit nécessairement rejoindre un jour le même point, commun à tous les humains, la fin de sa vie, ce terminus, comme nous le suggère Carl Gustav Jung, comme l'aboutissement des réalisations faites et à faire de toute une vie, parfois constellée de regrets, d'oublis, de moments de paresse, alors que le bon moment de faire est dorénavant passé ou ne s'agit-il encore que d'un basculement, réversible, de l'espoir ?

La métaphore nous fait voir la cité autrement, sous un autre angle, comme s'il associait à la fois notre objectif habituel de destination, mais aussi en perspective d'autres lieux ignorés, non vus, mais avec un parfum de déjà vu, comme s'il existait en rêve depuis très longtemps. La métaphore exerce notre sens fantasmatique, en créant des désirs, des chemins possibles de réalisation.

La métaphore, non seulement nous invite à la réflexion, dans la mesure où la lecture métaphorique des événements propose une alternative à notre esprit cartésien et notre environnement culturel qui nous éduquent depuis l'enfance à presque tout prendre au premier degré, mais également enrichit et mûrit cette réflexion si nécessaire au développement de notre esprit sans lequel rien de grand, d'abord pour soi, mais aussi pour les autres, ne peut être construit.

Si la vie n'est qu'éphémérité, mouvement, transport, la métaphore en est son expression la plus première, car elle est antérieure au langage et au sens bien réglementé qu'il véhicule au travers des dictionnaires sémantiques qui la composent et aux codes culturels qu'elle complète.

La métaphore nous permet de prendre une certaine distance par rapport à la pression du quotidien, à la lourdeur des événements et de la situation de notre parcours de vie, en renvoyant à d'autres lectures possibles de la réalité humaine, nous rappelant qu'elle est multiforme, et parfois inattendues dans le théâtre continue de la comédie humaine.

Hervé Bernard



Petit détour professionnel : si la forme métaphorique permet le plus souvent de donner des indications fondamentales pour éclairer un concept, pris au pied de la lettre, il peut être source de malentendu voire d'erreurs non moins fondamentales. On trouve en un exemple, dans le soin apporté auprès d'enfants autistes : la psychanalyse a pointé, pour ces enfants, un trouble des fonctions maternelles, c'est-à-dire, les premières nécessaires à un bon développement chez l'enfant. En effet, certains enfants autistes rencontrent des difficultés dès leurs premiers jours de vie. Ce constat a permis à certains professionnels d'interpréter que l'autisme était dû au mauvais comportement de la mère envers son enfant. Ce résonnement est de l'ordre du syllogisme et donc totalement erronée, il s'agissait de désigner les fonctions premières de l'enfant et en aucun cas d'accuser les mères d'avoir rendu leurs enfants autistes. Il en résulte qu'une grande partie des scientifiques et des soignants actuels ont pu rejeter les concepts psychanalytiques au profit de diverses sciences d'ailleurs fort instructives, mais se sont privés d'éléments de réflexions très importants. Il en a résulté une rupture entre professionnels qui se résorbe péniblement aujourd'hui.

Puis tentative de réflexion : le langage s'est construit au fil des millénaires, conjointement au développement de la pensée, du psychisme de l'homme. Ils se sont nourris mutuellement. La métaphore a fait partie de cette histoire. La métaphore s'appuie sur notre structure psychique et en présuppose un socle commun : dans le dictionnaire, nous pouvons trouver cet exemple : « le printemps de la vie » pour parler de la jeunesse. Ici, c'est bien un aspect très particulier de la jeunesse qui est pointé afin de bien diriger la pensée du lecteur vers des images. Ici on peut penser au bourgeonnement des plantes, le retour des oiseaux, d'une manière générale, à l'éveil de la vie. L'ensemble de ce qui est attaché au mot « printemps » pour chacun va venir caractériser la jeunesse. Pour que ce procédé fonctionne, il faut donc que l'image psychique du printemps soit suffisamment commune aux lecteurs. Mais si l'on peut déduire ce que l'auteur a voulu nous communiquer par sa métaphore, il n'en est pas moins vrai qu'elle aura pour chacun une répercussion différente selon son histoire personnelle, sa culture, ou son époque. Le psychisme devra donc transposer (métaphore vient du latin metaphora, transfert, d'où transposition) une réalité en une autre, une observation du quotidien en objet psychique. Il pourra ensuite utiliser cet objet psychique pour appréhender les caractéristiques d'une nouvelle observation. Mais n'est-ce pas le fonctionnement-même de notre rapport au monde ? Nous abordons une situation avec les liens que nous pouvons faire avec une situation antérieure, que cela se passe au niveau sensoriel ou verbal. Tout nous renvoie partiellement à autre chose, comme Proust et ses madeleines. Un monde se cache derrière chaque rencontre. Peut-être un monde de poésie ou les sens s'entremêlent et se racontent :

Correspondances de Charles Baudelaire :
La nature est un temple où de vivants piliers
Laissent parfois sortir de confuses paroles ;
L'homme y passe à travers des forêts de symboles
Qui l'observent avec des regards familiers.

Comme de longs échos qui de loin se confondent
Dans une ténébreuse et profonde unité,
Vaste comme la nuit et comme la clarté,
Les parfums, les couleurs et les sons se répondent.

Il est des parfums frais comme des chairs d'enfants,
Doux comme les hautbois, verts comme les prairies,
Et d'autres, corrompus, riches et triomphants,

Ayant l'expansion des choses infinies,
Comme l'ambre, le musc, le benjoin et l'encens,
Qui chantent les transports de l'esprit et des sens.

Villandry, mai puis le 9 juin 2010
où l'odeur du vieux livre s'associe au souffle de l'ordinateur,
presque improbable comme la rencontre de Lautréamont.
Gaël Bouket



(…) Mais néanmoins, dans l'état de « veille », l'homme « dort » en partie.

Et pour pouvoir se connaître lui-même, l'homme doit être complètement réveillé. Ce réveil correspond à une activation de la conscience à un niveau qui ne lui est pas habituel, et que l'homme n'atteint pas normalement de lui-même isolément.

C'est parce que l'homme « dort » et n'a pas un « regard » suffisamment aiguisé qu'il ne peut pas regarder à l'intérieur de lui-même et comprendre ce qu'il est véritablement, donc répondre aux questions fondamentales qu'il se pose et que nous avons énumérées.

Et c'est du sommeil éveillé de l'homme que vient tout le malheur du Monde : le Christ n'a pas dit autre chose à ses disciples proches, tout comme d'ailleurs tous les fondateurs des grandes religions.

Dans l'enseignement du Christ, c'est parce que les hommes ne sont pas éveillés qu'ils succombent aux entreprises du Mal :

« Veillez-donc, car vous ne savez pas quel jour va venir votre Maître » (discours eschatologique, Mt XXIV, 42).

« Soyez sur vos gardes, veillez, car vous ne savez pas quand ce sera le moment… Et ce que je vous dis à vous, je le dis à tous : veillez ! » (Le Serviteur du Maître, Mc XIII, 33 +).

« Veillez donc, car vous ne savez ni le jour ni l'heure » (Les Vierges Folles ; Mt XXV, 13).

Et les apôtres, dans leurs Epîtres, reprendront les mêmes directives, avec insistance, faisant chaque fois allusion à un état de vigilance attentive qui n'est pas spontané chez l'homme qui s'abandonne :

« … Veillez votre partie adverse, le Diable, comme un lion rugissant, rôde… » (I Pierre V, 8).

« L'intelligence en éveil, soyez sobres… » (dito I, 13)

« Éveille-toi, toi qui dors… » (Paul, Ephésiens V, 14 ; cf. également Rom. XIII, 11 ; I Thessal V, 6).

Le Christ ira même préciser : « Veillez donc et priez en tout temps » (Luc XXI, 36). Non pas simplement : « priez » - mais « veillez et priez ». La « veille », le « réveil » sont les conditions de la vraie prière.

Par la « veille » prolongée, la vigilance maintenue malgré les tentations de la dispersion, l'homme va peu à peu aiguiser son regard et découvrir en s'explorant lui-même, ce « Royaume de Dieu » qui est, nous dit Jésus, « au-dedans de lui » (Luc XVII, 21).

C'est cela la véritable « conversion » (en grec : Métanoïa) qui nous est proposée à plusieurs reprises dans les Evangiles.

(…)

Celui qui nous aura suivi jusqu'ici peut comprendre maintenant en quoi la méthode proposée est exclusive de toute volonté de puissance, et diffère donc fondamentalement d'un entraînement psychologique.

Cette recherche vise à l'éveil de la conscience.

Or la conscience à proprement parler ne fait rien et ne peut rien faire : elle voit.

Mais apprendre à voir les choses comme elles sont, constitue, précisément, la transformation, la métanoïa que nous avions annoncée dans l'introduction de ce propos.

Et ce changement de perspective, sous un regard éveillé, amène l'éclosion d'une nouvelle morale, où l'homme n'est plus dupe des discours justificateurs qu'il se tient à lui-même. Un grand maître contemporain a dit à ses élèves « le Christ a dit : Aimez vos ennemis. Mais comment un homme peut-il prétendre aimer ses ennemis s'il ne sait même pas aimer ses amis ? » Nous ajouterons : comment aimer ses amis quand on ne sait même pas réellement ce que le terme « aimer » veut dire ?

Ce type de question illustre le retournement qui se produit nécessairement en l'homme à la suite d'une recherche exigeante sur le fonctionnement réel de son psychisme. Il provoque la modestie exclusive de tout sentiment d'impuissance.

C'est l'illusion que la nature entretient en l'homme sur ses propres limites qui engendre l'angoisse lors d'un choc brutal avec le réel. Et c'est la connaissance de cette faculté d'auto hypnose qui fait perdre à celle-ci son pouvoir fascinant, c'est-à-dire tout pouvoir sur l'homme.

« La vérité vous libérera » a dit l'évangéliste (Jean VIII, 32). L'homme conscient du fonctionnement de ses mécanismes psychologiques cesse d'en être dupe et il commence à pouvoir « faire », à agir consciemment pour soi-même et pour les autres dans la connaissance de sa nature.

Sans doute un individu ne peut-il pas « faire » grand-chose en une vie pour provoquer l'évolution de la Création dans un sens positif. Mais ce qu'un homme éveillé doit « faire », à la place qu'il occupe, il le connaît sans erreur et il le fait ; et il accomplit son action avec justesse.

Car il a constitué en lui une Triade :

– Son essence (ou son âme) qui sent depuis toujours ce qu'il doit faire, mais qui est fondamentalement impuissante à réaliser quoi que ce soit ;

– Sa personne, qui est faite pour agir, sans cesse, et ne connaît d'autre domaine que l'action ;

– Et un élément mystérieux, inconnu au début de l'évolution et qui a surgi peu à peu, le « Moi » véritable, qui tient les deux autres ensemble et les fait vivre en symbiose.

Alors, l'homme peut être réellement, sans abus de langage, appelé un « individu ».

Georges de Maleville



Je dois être un individu dont la fonction sentiment est dominante. Dans mes relations interpersonnelles, l'aspect émotionnel vient toujours colorer le discours allant même jusqu'à le dominer. Je suis plus attiré, dans une certaine mesure, par le contenu émotionnel que l'argumentation et le suivi logique du discours. C'est ainsi que plus jeune, j'ai préféré la littérature aux mathématiques.

La fonction intellectuelle, je la travaille en ce moment. Les livres de psychologie où les concepts sont ordonnés, sont articulés en un tout cohérent. Je dois faire un effort afin de percevoir l'objectivité du récit, c'est-à-dire ce que l'auteur a voulu dire et non ce que je ressens de ce que l'auteur a voulu dire, ceci constituant l'aspect subjectif.

C'est ainsi que j'aime la métaphore : quand elle parle à l'émotion. Elle véhicule, à travers les mots, une image et une impression qui définissent un état, une idée, une représentation. L'explication logique ne suffit pas dans la métaphore, elle a besoin de toucher l'auditoire d'une autre manière que par la logique.

D'une part, elle utilise l'image. Les concepts sont qualifiés par des tableaux qui dressent leur aspect typique. La poésie en est un exemple. Le lecteur est mis dans une situation où il va ressentir une impression ou une émotion qu'il pourra alors interpréter. Qui plus est, même si l'auditeur n'a pas une fonction sentiment dominante, il pourra analyser la représentation accédant au sens et au sentiment de la métaphore.

D'autre part, la métaphore a la particularité d'être implicite. Elle dit ce qu'elle doit dire par le masque de l'image, elle laisse au lecteur le soin de ressentir en lui sa véritable essence. La métaphore pénètre l'intime, elle influence, elle suggère, elle dialogue avec l'instinct du lecteur touchant son ressenti.

La métaphore parle donc à la totalité de l'individu, se colorant affectivement. Son avantage est qu'elle diffère du langage courant, forçant son interlocuteur à la pénétrer de toute son âme pour percer son mystère.

J'ai toujours aimé les métaphores, elles me permettent d'approcher la compréhension d'un phénomène complexe. J'ai appris avec elles la finesse de l'émotion. Décrire l'émotion n'est pas la sentir. D'ailleurs quand je décris un sentiment, je l'alimente souvent d'un exemple, plus parlant.

Toutes les parties de mon âme sont mobilisées à son écoute. À la manière des romantiques, là où l'explication peut tuer l'expérience, je me laisse bercer par les sens et par l'introspection. L'image rentre en nous pour qu'elle puisse y trouver terre fertile. Elle va se nourrir et pouvoir exister. La métaphore n'est pas un discours traditionnel. Elle est un outil d'affinement de représentation intemporelle.

Fait à Boulogne le 02 juin 2010.
Les partiels sont finis.
J'ai pu achever la tâche débutée il y a 3 ans.
L'anomie ne me convient plus,
je cherche les valeurs qui émergent de l'obscurité.
Aurélien Recher



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