NUMÉRO 195 REVUE TRIMESTRIELLE novembre 2023 - mars 2024

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Auteur Titre de l'article Título del artículo
 
Pioton-Cimetti, E. Graciela La vie est-elle un bien ou mal?
 
Bernard, Hervé Editorial
  La morale et la vertu
  La synchronicité
 
Delabaere, Virginie Anima et animus
 
Delagneau, Philippe Morale et vertu
 
Giosa, Alejandro La moral y la virtud
 
Laborde, Juan Virtud y moral
 
Lara Flores, Yolanda Virtud y moral
 
Noir, Marie-Christine La morale et la vertu
  La synchronicité
 
SOS Psychologue Séance d'analyse de rêves d'avril 2023
  Séance d'analyse de rêves de juin 2023
 
Témoignages sur Graciela Séance d'avril 2023
  Séance de juin 2023


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En tant que secrétaire de SOS Psychologue, je propose de republier un article de Graciela paru en 1997 (numéro 35), pour illustrer le thème « la morale et la vertu », car ces deux notions renvoient au bien et au mal. « La vie est-elle un bien ou un mal ? » La problématique du bien et du mal est un préambule qui s’avère bien utile pour aborder la question de la morale et de la vertu. Par ailleurs Graciela relie la question à la voie de l’analyse, qui peut être vue comme un travail avec un « psy » ou considéré sous l’angle d’une réflexion d’introspection de soi, ces deux chemins pouvant conduire naturellement à des questionnements sur la morale et sur la vertu.

Une nouvelle rubrique est crée en mars 2024 à partir du numéro 195 : "A propos de Jung", afin de mieux poursuivre la pensée et l’œuvre de Graciela, qui a fait connaître en France dès les années 70 la pensée jungienne en France. Les thèmes abordés dans ce numéro sont la synchronicités et les archétypes avec 3 articles :

Hervé Bernard



Sur ce problème essentiel pour l’humanité, bien des philosophes ou des écrivains ont formulé des opinions contradictoires.

Pour Schopenhauer, la vie est effort, lutte et il en arrive à dire qu’elle est un mal, tandis que Leibniz, réfutant les arguments du pessimisme, convainc – ou essaie de se convaincre – de l’idée que l’existence est un bien.

Pour sa part, Voltaire, alors qu’il était heureux, épanchait son optimisme dans son poème, Le mondain ; mais, par la suite, il ne semble plus voir autour de lui que des motifs de tristesse. Serait-ce parce qu’il a vieilli ou parce qu’il a eu des déboires dans sa vie sentimentale ou des démêlés avec Frédéric II ?

Le désespoir contenu et néanmoins si poignant de Vigny, l’amertume que l’on pressent chez Leconte de Lisle malgré sa rigidité hautaine, les paroles désabusées, les cris d’angoisse de quelques écrivains encore plus près de nous, sont autant de témoignages qui nous porteraient à penser que la vie est un mal.

Nous-mêmes, que pouvons-nous en dire avec impartialité en oubliant, un instant, nos joies égoïstes et nos chagrins personnels ?

***

De nombreuses raisons nous conduisent à penser que la vie est un mal :

Le mal physique

– La vie n’est qu’effort et lutte. Il est nécessaire pour la grande majorité des hommes de travailler parmi les obstacles qui se rencontrent quotidiennement, avec l’altération de la santé, l’insuffisance des capacités, la fatigue, la décrépitude prématurée, la déformation professionnelle, l’altération du caractère…

– La douleur dont nous avons tous l’expérience. C’est une souffrance et une entrave à ce que la vie pourrait nous offrir : beauté, talents, capacités, affections…

– La maladie qui atteint indistinctement les êtres les plus intelligents – Nietzsche, par exemple, contracte une maladie grave pendant la guerre de 1870 – ou ceux qui ont le plus de mérite, de valeur morale ; voilà donc encore un facteur d’entrave qui ôte toute saveur à ce qui faisait jusque-là notre joie, et cela pour un temps quelquefois long, très long…

– Les disgrâces, la laideur qui paralysent l’être qui en est affligé et qui lui donnent un pénible sentiment d’infériorité. Elles font de lui un objet de moqueries ou de railleries cruelles qui peuvent s’étendre, hélas, durant toute la vie ;

– Les infirmités congénitales, les tares, comme la surdité de Beethoven, la cécité, la dégénérescence ou l’infériorité mentale ;

– La décrépitude dont la crainte peut devenir une hantise laquelle peut en accroître la gravité ;

– La mort qui frappe aveuglément les êtres jeunes ou les vieillards, ceux qui sont forts et ceux qui sont débiles ou encore les êtres d’élite comme les plus abjects ;

– les malheurs collectifs ou individuels qui sont imputables aux hommes : les guerres, l’exil, la tyrannie…

– le paupérisme et ce qui l’accompagne avec les maladies et l’immoralité.

Le mal métaphysique

L’homme est impuissant.

Il porte le poids d’une hérédité qu’il n’a pas choisie et c’est pour cela qu’il n’est pas libre. En effet, il est souvent déterminé par cette hérédité, par sa santé, par son éducation, par toutes les influences qui s’exercent sur lui à son insu et par le milieu où il vit.

Or cette absence de liberté lui donne une impression de dépendance et de faiblesse.

C’est pour cela qu’il ne réalise que bien rarement ses désirs, ses ambitions ou ses rêves. Les plans les mieux conçus, les projets qui paraissent les plus sages apportent presque toujours des déceptions, souvent ils aboutissent à un échec ; parfois même ils se retournent contre lui pour en faire son malheur.

En vérité, l’homme est faible, impuissant. Ses œuvres sont fragiles. Aucune trace de son passage sur la terre ne subsiste longtemps après lui. Il sera la proie de “ mille formes rampantes et glaciales ” : “ c’est le déjeuner d’un petit ver que le cœur d’un prince ”, nous rappelle Pascal.

Mais à l’impuissance, l’homme ajoute l’ignorance.

Il ignore l’origine de l’univers au sein duquel il vit : “ Que celui qui l’a fait t’explique l’univers ! ”, dit Lamartine. Il ignore sa destinée. Il ignore la raison d’être du malheur qui n’est pas le châtiment du vice et ce qui règle la marche du monde où il ne voit que hasard déconcertant. C’est ainsi que Voltaire nous le rappelle : “ Lisbonne est abîmée et l’on danse à Paris. Eut-elle plus de vices que Paris plongé dans les délices ? ”

Tels sont, du point de vue métaphysique, les maux qui l’affligent et dont il semble bien qu’il ne pourra triompher.

Le mal moral

L’homme est imparfait. Il en souffre, parce qu’il a l’idée et la notion de la perfection.

Il porte en lui des tendances coupables, mais il s’y abandonne souvent. Bien entendu, il en éprouve de la honte, du remords. Il peut même en éprouver du regret tout en soulevant contre lui le ressentiment, la haine ou la vengeance.

La tristesse, douleur morale

Elle provient de la difficulté de la vie en société. Nous sommes alors atteints dans notre dignité par des paroles vexatoires, des contraintes abusives, ou dans notre réputation par des médisances ou des calomnies.

Elle peut provenir aussi de l’amertume que donne le sentiment d’être l’artisan de son malheur par la négligence, l’imprudence, la maladresse ou tout simplement l’absence de clairvoyance…

Le chagrin des parents qui sont impuissants à donner le bonheur à leurs enfants, la tristesse des déceptions sentimentales ou l’amertume d’être trahi par l’être aimé. La fragilité de l’amour même lorsqu’il est partagé. La solitude morale et le chagrin de la perte d’un être cher.

Et finalement, la crainte, l’appréhension angoissante de ce qui suit la mort : “ La barque est prête ; elle vogue là-bas, peut-être vers le grand néant. Mais qui veut s’embarquer vers ce peut-être ? ” (Nietzsche)

***

Pourtant, n’avons nous pas quelques motifs d’admettre que la vie peut être considérée comme un bien ? Ne pouvons-nous pas réfuter certains arguments pessimistes ?

***

Tentons de répondre à ces interrogations !

Dans le domaine physique

La vie ?

Si l’effort n’est pas disproportionné, il peut être accompagné de la satisfaction d’avoir triomphé.

La maladie ?

Il serait possible de dire qu’elle ne peut être que temporaire.

Le chagrin de la décrépitude, de la déchéance physique ?

Il serait moins douloureusement ressenti par ceux qui ont eu le bonheur de fonder une famille.

La mort et son caractère tragique ?

Il serait facile de s’y résigner si l’on songe qu’elle frappe tous les êtres.

Dans le domaine moral

Si l’homme n’a pas d’ambitions démesurées, il peut quelquefois réaliser ses desseins et connaître la joie de la réussite. Le travail, s’il est proportionné aux forces et en accord avec les goûts, peut donner des satisfactions.

L’art peut donner des joies, car c’est effectivement un plaisir de s’entourer de jolies choses, de contempler des œuvres d’art, d’entendre la musique pleine d’allégresse ou de mélancolie.

La nature avec la majesté de ses horizons immenses, quant à elle, peut donner une impression d’apaisement par son calme et son silence. Elle peut être un refuge, une retraite pour nous isoler ou nous prêter à la rêverie ou à la méditation.

Naturellement, il existe l’amitié, telle que la conçoit Montaigne, qui peut procurer des joies ; le désintéressement qui peut donner un certain bonheur ; les joies que peut procurer la famille.

Et, enfin, ceux qui ont la foi ne sembleraient pas redouter la mort… Bernardin de Saint-Pierre le confirme : “ Il y a un Dieu, mon fils : toute la nature l’annonce et je n’ai pas besoin de vous le prouver ”

***

Pour avoir le courage de supporter les navrantes déceptions et les cruelles épreuves qu’apporte le destin et pour masquer notre issue fatale, peut-être faudrait-il élever le ton de la vie par un accent de noblesse morale. Dans les jours de malheur où nous serons tentés de maudire la vie, sur le point de sombrer dans le désespoir ou de nous révolter contre le destin, peut-être pourrons-nous trouver un apaisement dans la pensée que l’essentiel n’est pas seulement d’être heureux, mais d’être grand par les conceptions de la pensée et la vaillance du cœur.

***

Selon mon expérience clinique, ce qui fait vivre la vie comme un mal, c’est la souffrance névrotique qui peut se présenter sous deux formes : le discours dépressif et le discours maniaque.

Dans le premier cas, “ c’est moi le coupable de tout ” y compris le fait que Ève ait mangé la pomme qui lui avait été offerte par le méchant archange jaloux des hommes.

Dans le discours maniaque, les coupables sont les autres.

En règle générale, ce sont les deux types de discours que nous écoutons lors de la première séance avec un nouveau patient.

Dans les deux cas, l’histoire est telle qu’elle est racontée. Naturellement, elle est pleine de trous qui vont se remplir au fur et à mesure que progresse l’analyse. Ce n’est que beaucoup plus tard et avec la conscience convenablement élargie que nous pourrons parler objectivement des innocents et des coupables. Après ce premier tri, nous allons découvrir qu’il ne s’agit pas de coupables ou d’innocents, mais de responsables et d’irresponsables.

Où est la différence ?

Être responsable signifie avoir la conscience suffisamment développée pour que le sens éthique soit éveillé, c’est-à-dire que nous sommes coupables lorsque nous sommes conscients. Pour certaines personnes, le choix de se faire mal ou de faire mal aux autres est un “ acte ”. En revanche, pour d’autres personnes dont le niveau de conscience est limité ou inexistant, le choix de se faire mal ou de faire mal aux autres n’est qu’une “ réaction ” conditionnée par des éléments extérieurs.

Il est flagrant de voir chez un patient au cours de son analyse l’éveil d’un processus d’humanisation, d’individuation, d’hominisation ou de conscientisation –selon le terme utilisé par chacun d’entre nous – dans lequel la conscience s’élargit et où apparaît l’éthique, et de le voir fortement angoissé par le fait de ne pouvoir comprendre aujourd’hui les erreurs qu’il avait commises dans sa vie passée.

– L’expérience est très douloureuse, sinon effrayante ;

– Il voit son passé sans pouvoir le changer. La lutte contre l’angoisse du remords devient parfois impossible à secondariser et des troubles somatiques viennent au secours en prenant la forme de symptômes qui doivent être écoutés et symbolisés. Cette étape demande beaucoup de travail de symbolisation. C’est à ce niveau que de nombreuses analyses s’arrêtent, car le symptôme s’organise comme solution de punition et la symbolisation n’est pas acceptée comme recours de guérison.

– “ La culpabilité est un piège de l’orgueil – dit-on –, ce n’est que le remords qui est vrai .”

D’accord. Mais comment différencier l’un de l’autre ? Le remords est lié, aujourd’hui, à ce qui devient intolérable pour l’être devenu conscient.

Ses crimes ?

Que faire pour vivre avec ses crimes sans se détruire ?

– Le passé ne peut pas être refait, mais il pourra être lu autrement. Il ne s’agit pas de se construire de nouveaux arguments de jus-tification. Cela ne ferait que produire une rechute dans la névrose, mais il faudrait accepter l’horreur de la situation actuelle et l’irréversibilité de l’histoire. Il ne s’agit pas non plus de se résigner et de mourir spirituellement et moralement pour se punir de ses crimes. Il s’agit d’aller se battre, accompagné si possible par son analyste et de se laisser submerger par les souvenirs catastrophiques pour comprendre à quoi ont pu servir ces crimes.

Pour cela et pour ne pas s’évader, il faut un travail minutieux et ferme de pratique analytique et de confrontation avec l’inconscient et ses démons... Or il se peut que nous trouvions aussi des anges et, parfois, des explications cohérentes sur les événements, vécues comme des solutions un jour, et, aujourd’hui à la lumière de l’évolution, comme l’unique chemin pour la survie de soi et des autres.

J’ai connu quelqu’un qui a préféré laisser sa famille pour habiter ailleurs et éviter ainsi de se suicider ou de tuer. La vie de cette personne était devenue un enfer après son départ, mais elle tenait à son projet de créer pour sa famille un “ monde nouveau ” dans lequel elle n’accepterait plus les agresseurs. En réalité, c’était une personne très forte, mais le sur-effort de la recréation l’avait conduite à refouler toute représentation déstabilisante, notamment à réprimer ses émotions. Une fois son but acquis et ayant réussi une nouvelle situation, le patient en question a chuté dans une phobie dont aujourd’hui encore il se bat pour la vaincre.

De toute façon, cette personne a réussi à remplacer un suicide par une hystérophobie. Le patient est très discipliné et il ne veut pas revenir en arrière. Il vit en état de “ pratique de l’inconscient ”. La censure se manifeste au niveau d’une très grande prudence dans l’action au quotidien. Par ailleurs, il rêve beaucoup et travaille sciemment ses rêves, reconnaissant en lui une seconde vie dont l’écoute lui permet d’avancer dans des situations phobiques qui l’assiègent facilement pendant l’état d’éveil

Quand j’ai commencé mon article en espagnol en disant : “ La vie n’est pas un mal, ni un bien. C’est une force, une énergie pure et c’est nous qui aidons à la rendre plus ou moins bonne ”.

J’avais déjà dans un état de semi-conscience ce cas clinique. C’était un patient au courage étonnant. Sa vie a été aussi cruelle que merveilleuse. Il l’a vécue comme s’il était dans un bateau. Il a dû tenir le gouvernail sans se décourager, en se contentant d’un frugal repas après chaque tempête.

Il a vécu dans le silence sans jamais se défendre, ni se justifier. Sans jamais culpabiliser les autres, mais en se culpabilisant. Bientôt, avec son rythme régulier, sa volonté de ne pas revenir en arrière, si ce n’est pour mieux contempler et comprendre, la route devient pour lui ouverte. Au fur et à mesure que les mouvements de régression, de contemplation, de compréhension et de progression s’accélèrent, sa phobie devient moins lourde à porter et elle est comprise plutôt comme un système de défense compensatoire que comme un trouble névrotique, après avoir traversé des enfers de malheurs sans se laisser troubler. Je me souviens d’avoir écouté, dans les années 70, Carl Rogers dire : “ Si le patient a un but, il est potentiellement guéri .”

Courage à nous tous donc. Faisons la vérité : nous sommes les architectes de notre destin…

***

Par rapport à toi, je n’ai rien à ajouter, car tu ressens la vie comme moi. J’espère qu’elle sera longue et plus facile, vécue en bonne santé…

Il vient de me traverser une réflexion amère : ma méfiance reprend le dessus. Il faut que je travaille mes fantasmes, mes haines, les rancunes que j’accumule en face des injustices. La vie a pour nous, toi et moi, au-delà du fait qu’elle soit un bien ou un mal, un sens. Pour nous, c’est “ servir ” les autres et nous-mêmes, tel que nous aimerions être servis, respectés et considérés. Je suis d’accord, mais comme l’être humain peut être limité ! Parfois, je me sens si impuissante ! La souffrance des autres est toujours plus pénible pour nous que la nôtre, car nous connaissons nos forces et nous avons envie de nous battre.

Oui, je déteste le monde et les gens mesquins, égoïstes et bavards qui perdent le temps d’exister dans le plaisir morbide de se plaindre de tout.

Je ne pense pas aux névrosés qui souffrent objectivement, mais aux autres, ceux qui flottent dans l’ennui sans jamais dire merci. Merci à qui ? Il existe toujours quelqu’un à remercier dans une tentative consciente pour devenir un peu plus généreux et un peu moins nombriliste.

Le secret d’une vie plus positive, c’est le partage.

Est-ce que je crois au partage ?

Peut-être, mais plus encore à la complémentarité, c’est-à-dire quand tu vis la vie comme un mal, je te tire par les cheveux pour nager dans un lac et quand je plonge dans l’unique douleur de la vie qui est pour moi horrifiante, la séparation, tu me tires par les cheveux vers une dimension de rencontre spirituelle possible avec les êtres aimés qui sont partis ou distants et l’équilibre se rétablit.

Fait à Paris, le 6 juillet 1997 avec beaucoup de cœur et de sincérité
Il fait beau sous un ciel parsemé de nuages

Doctora E. Graciela Pioton-Cimetti



Nous vivons à une époque où la morale et la vertu sont oubliées, mises de coté, voire jetées dans les poubelles de l’histoire et de la civilisation. Notre monde semble vivre une inexorable dérive dans lequel la loi est de moins en moins bien respectée, où il est bien difficile de partager un minimum de valeurs communes, avec une évolution des mœurs et un choc des cultures face aux effets des phénomènes migratoires quasiment mondiaux, avec la déconstruction de notre environnement géostratégique. Si j’étais sociologue je dirais que tout concourt à l’émergence d’une pensée de plus en plus individuelle et individualiste, la confusion des esprits, à la montée des populismes et des extrêmes qui poussent à la violence et nous éloignent des situations de consensus, qui sont les bases essentielles non seulement de la paix sociale mais aussi de la paix tout court.

Qu’est-ce qui pourrait nous sauver de cette situation, je parlerais plutôt de ce mouvement de l’histoire, qui n’est peut-être que cyclique, mais qu’il nous affronter ? Pourtant l’étude de l’histoire nous apprend que souvent elle se répète selon les mêmes schémas, selon une loi naturelle où tout est éphémère, cyclique, avec des phases de croissance, des phases de stabilité et puis des phases de décroissance et de destruction, à l’image de la vie sur Terre. Pourquoi ne pouvons pas apprendre les leçons de l’histoire pour mieux en contrôler, en tout cas atténuer son cheminement et ses mouvements ?

L’homme a la mémoire courte et sa vue physique et psychique (sa capacité à regarder autour de lui et sa capacité à anticiper sa propre vie psychique et le comportement des autres) se limite souvent à son environnement spatio-temporel proche. C’est d’autant plus vrai qu’avec la mondialisation et l’accélération du progrès et de la consommation des ressources, l’homme vit plus dans l’immédiateté, plutôt qu’il se soucie de son futur, celui de sa famille, celui de sa communauté, de sa civilisation et de sa Terre. Il ne s’agit pas d’être binaire, mais d’estimer où se trouve le curseur entre ces deux positions antagonistes.

Qu’est-ce qui pourrait modérer ces processus, je dirais même ces réflexes, acquis à la fois par l’éducation, par l’exemple des autres et surtout sous la pression de la société souvent sous une forme inconsciente et/ou masquée et également des lobbies, qui agissent plus consciemment et pas toujours bien masqués ?

Qu’est-ce que la morale et que pourrait-elle nous enseigner et nous apporter pour un mieux vivre ?

D’un point de vue de la définition, la morale rassemble un ensemble de conduites au niveau individuel, considérées comme bonnes. La morale renvoie bien évidemment à un système de valeurs distinguant le bien et le mal. La morale dépend donc évidemment de la culture, de la religion, de la communauté humaine, éventuellement d’un groupe d’individus au sein d’une même communauté, du contexte historique de l’unité spatio-temporelle considérée… La liste n’est pas exhaustive et montre simplement que la frontière entre le bien et le mal n’est ni universelle, ni constante dans le temps.

Quel est l’objectif d’une morale ? C’est la conséquence directe du processus de vivre ensemble, depuis les premiers hominidés à l’aube de l’humanité, jusqu’à nos sociétés ayant grandi en population et s’étant complexifié sous l’effet d’un corpus réglementaire de en plus étendu et précis, en passant au cours de l’histoire humaine par les communautés de chasseurs/cueilleurs, les tribus, les royaumes… L’homme a rapidement observé qu’il était plus fort, plus efficace en groupe. Pour vivre ensemble, l’homme doit disposer de droits et obéir à un ensemble de devoirs, la morale pouvant être considérée comme les principes élémentaires dont découlent toutes les lois d’une communauté, d’un pays. Un certain nombre de principes est probablement commun à toutes les communautés humaines et à toutes les religions, peut-être à quelques exceptions près (ce serait une étude sociologique complexe à mener et très instructive). En voici quelques exemples bien connus de tous :

  • tu ne tueras pas
  • tu porteras assistance à une personne en danger,
  • tu respecteras l’autre dans toute sa dimension individuelle, physique, psychique et sociologique… : en d’autres termes tu n’agresseras pas physiquement l’autre, tu ne le harcèleras pas psychologiquement, tu ne stigmatiseras son appartenance raciale, religieuse, sexuelle, son aspect physique…

Malheureusement, au nom de différents principes (liberté, égalité…), de causes (environnement, politiques, groupes sociologiques considérées comme de seconde zone…), de religions (que de violences ont été commises en leurs noms ? L’histoire en est truffée et l’actualité nous montre que c’est loin d’être terminé) ou toutes autres raisons (l’homme n’est pas parfait ni complètement bon et il a toujours été très inventif dans ce domaine), cette morale est bien souvent bafouée, remise en question ou simplement oubliée.

La morale est essentielle au développement et au maintien du lien social, sans quoi la vie sociale, économique, politique n’est plus viable et cède la place à la violence, sous toutes ses formes, aux tensions, à l’anarchie, au stress, à la peur, à la paranoïa, aux conflits hybrides ou armées…

La psychologie, notamment la psychanalyse, avec ses précurseurs, comme Freud (1856-1939), a défini les notions de pulsions de mort, en opposition aux pulsions de vie, principes élémentaires dont découle la construction de l’homme adulte, qu’elle soit positive (œuvrer pour le bien social, s’unir à une compagne, développer un projet, une mission) ou négative (donner libre cours à ses défauts, à ses mauvais instincts, extérioriser ses conflits intérieurs et les projeter sur les proches, sur les autres, souvent inconsciemment. Il s’agit en termes plus simple du bien et du mal.

La réponse de Carl Gustav Jung (psychanalyste suisse, 1875-1961) dans ce débat est sans ambiguïté : le mal doit être considéré comme ayant une existence en soi. Si l'archétype du Soi représente le Bien, Dieu, alors le Mal est symbolisé par son ombre. L’ombre est un archétype jungien, correspondant à la partie inconsciente d’un individu, qu’il méconnaît, et qui s’oppose au moi. C’est pour cela qu’elle peut être perçu a priori comme négative, mais elle cherche en réalité à permettre à l’individu de mieux se connaître, notamment de réguler et régler ses conflits internes.

Mais pour qu’une morale fonctionne, i.e, permette à une société de bien fonctionner, voire simplement de fonctionner, c’est-à-dire faire en sorte que la majorité de ses membres se sente en sécurité, intégrée à la communauté et puisse sereinement se projeter dans l’avenir, pour lui-même et ses proches, je pense qu’il est nécessaire qu’il existe des leaders, des promoteurs. Je veux parler d’individus en particulier qui mettent plus en avant que les autres, les valeurs sous tendues par la morale, des êtres, qui, par expérience, par instinct, par évolution d’âme, ou tout simplement naturellement, deviennent ou souhaitent devenir des exemples de la morale.

Certains diraient que les hommes ne sont pas tous égaux et que cer-tains sont meilleurs que d’autres. Il s’agit exactement de la vertu.

Par ailleurs les hommes vertueux sont des exemples pour les autres, que le processus d’exemplarité puisse être conscient ou inconscient de par et d’autre. Un véritable homme vertueux ne cherche pas une récompense, la reconnaissance des autres, des richesses ou quelque autre avantage ou privilège. Une homme devient vertueux car cela lui permet de s’accomplir en tant qu’être humain, de réaliser ce qu’il ressent plus ou moins confusément au fond de lui-même, d’accéder à une certaine sérénité, une certaine paix intérieure. Il devient alors une lumière pour les autres, parfois à son insu, car chacun n’est pas toujours le mieux placé pour s’estimer, s’évaluer et connaître sa vraie valeur. Mais en des temps difficiles, il peut être mal perçu, attaqué comme par des forces psychiques agissant dans la société, négatives, confuses, peut-être jalouses, ne pouvant s’exprimer que par la violence et la destruction.

Respectons et cultivons la morale et la vertu comme lumières du monde pour l’améliorer et sachons les reconnaître et accompagner ceux qui ont la chance d’en être porteurs..

Hervé Bernard



En considérant que les vertus sont des manifestations d’une morale (parmi d’autres …), la question à mon sens est d’en rechercher l’origine en nous. De qui participe t’elle, de qui émane-t-elle, est-elle subie ou choisie, accidentelle ou volontaire, soumise ou libre et quelles seraient les conditions pour l’apparition et le développement d’une morale objective ?
Fait à Chessy, le dimanche 18 mars 2024
Philippe Delagneau



Ce thème est bien austère, la morale ne m’inspire pas du tout mais la vertu fait écho dans mon cœur. Serais-je sans morale, parfois même amorale et cependant quelque peu vertueuse ?

***

La vertu, concept majeur de la philosophie, a divers sens et est définie par divers penseurs. Une sorte d’intersection entre la religion et la politique.

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A 17/18 ans je découvre Pascal, philosophe à étudier au programme scolaire, qui affirme : « la vertu d’un homme ne doit pas se mesurer par ses efforts mais par ce qu’il fait d’ordinaire ». Il se moquera, aussi, des moralistes qui prêchent et font le contraire, et dira : « la vraie morale se moque de la morale ».

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Pour Socrate, la vertu c’est vivre au quotidien en respectant un certain nombre de valeurs, agir en conformité avec ce qu’on pense. Nul besoin de l’afficher mais le faire. S’évertuer à faire le bien, éviter ce qui est mal.

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Les siècles défilent et les mots, les valeurs sont semblables, voire éternels ?

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Il conviendrait donc de définir ses valeurs, les appliquer, réaliser un équilibre entre votre quotidien et votre cœur. Une façon d’avancer, de vivre en gardant l’équilibre avec votre âme. Il faut oser, entrainer votre discernement, aimer, avoir le gout de la justice, demeurer humble. La vertu est une attitude, une façon d’être au quotidien face au Bien et au Mal. C’est chacun face à soi. L’attitude vertueuse, ce n’est pas une règle ou norme morale collective mais une qualité ou caractéristique individuelle.

***

Une certitude tout de même pour être vertueux, il faut connaitre le mal, et y résister, le combattre. La vertu ne nait pas de l’ignorance. C’est dans l’épreuve que la vertu s’exerce. L’excellence de l’Homme se mesure à ses vertus et pour certains la plus grande des vertus serait la gratitude. Je reconnais que cela me surprend car si elle permet de supporter les vicissitudes quotidiennes, et génère du bien, je préfère comme vertu le respect, si mal en point dans notre société moderne. Ce constat est hélas quotidien si j’en crois l’actualité locale et mondiale.

***

La morale ? Quelle morale ? Je crois que je suis sans morale, mais chaque jour, je fais tout mon possible pour être vertueuse. Ne riez pas, je suis sincère. C’est depuis plus de 25 ans ma façon d’avancer en suivant certaines valeurs que j’ai choisies. Une morale, même si elle indispensable, ne peut pas être mon moteur, le cœur de ma vie. La moralité caractérise le comportement et la morale, elle, a comme objet la conservation de l’organisation sociale, de l’intérêt général à l’agrément des individus en société.

***

La morale est un ensemble de règles, de conduites destinées à faire le Bien, dans une communauté, qui souvent a un lien religieux ou politique. Une façon de vivre en société. Cela n’est pas inné, la morale est une création. Elle n’a de sens que si chacun a la volonté par son entendement, sa sensibilité de la respecter. Le discernement du Bien et du Mal demeure au centre de la morale, mais, même si le respect de chacun dans ses croyances est essentiel, je n’apprécie pas des règles trop figées, je veux croire que suivant les circonstances, des adaptations, des non applications des règles peuvent être acceptables. Tout bouge, chaque situation est différente, on doit pouvoir modifier un principe.

***

La morale a une fonction de cohésion de la société : faire vivre les hommes, les femmes ensemble sans trop de heurts ou conflits et maintenir les intérêts collectifs. Ce sont les actes qui feront la réussite du bien sur le mal. Nous sommes alors au plus près de la vertu et non dans le respect d’une morale.

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La vertu est une attitude, une façon d’être au quotidien face au Bien et au Mal. C’est chacun face à soi. L’attitude vertueuse, ce n’est pas une règle ou norme morale collective mais une qualité ou caractéristique individuelle.

***

Certains se réfèrent à des vertus cardinales, liées à des valeurs chrétiennes, par exemple : la prudence, la tempérance mais pour des philosophes le respect, la justice sont au tout premier plan.

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Pour ma part la morale est sans effet, ce sont les lois qui structurent notre vie en société. En revanche la vertu me parait extrêmement importante pour naviguer à peu près serein avec sa conscience, et le sentiment de justice qui est toujours présent chez moi. Chacun a le choix, Une disposition qui me conduit à agir en accord avec un idéal.

***

Aristote est le père de la morale centrée sur les vertus. La vertu est ce juste milieu qui permet à chacun de vivre avec bonheur en tenant compte des autres.

***

Ainsi, la conduite vertueuse, serait, traditionnellement, une ligne de conduite conforme à la morale, peut-être ? Chacun avec son discernement, décidera, des liens, des divergences entre la vertu et la morale.

Marie-Christine Noir



Hervé : Quelqu’un a-t-il un témoignage à faire sur Graciela ?

Jean-Jacques : Moi. Je pense à elle beaucoup plus que quand elle est partie. Peut-être que c’est un manque, parce qu’il y a longtemps qu’on ne l’a pas vu. Sur le coup, je le ressentais, mais différemment.

Daniel : Moi, j’ai toujours des images quand je venais le mercredi pour travailler la diction. C’est toujours avec du sérieux, de l’humour, et elle avait son caractère !

Hervé : C’est vrai, tu étais son orthophoniste.

Daniel : Et il y avait Jacques. Ces moments sont inoubliables entre l’humour et le sérieux.

Virginie : Tu la faisais travailler sur quoi ?

Daniel : On travaillait sur les mots. Avec un mot elle devait faire une petite phrase. Elle devait improviser.

Marie-Christine : Mais en français ou en espagnol ?

Daniel : Les deux. Au début cela pouvait avancer. C’était un peu compliqué. Mais ces deux heures étaient importantes pour elle. C’était une grande activité.

Marie-Christine : C’était son avenir.

Daniel : Après c’était la lecture de ses livres et là elle voyageait avec la famille.

Hervé : C’est elle qui avait choisi de lire ses livres ?

Daniel : Oui, parce que c’était plus d’émotion. Si j’imposais un livre, cela ne marchait plus. Elle devait répéter.

Hervé : Nicanor est l’histoire de sa vie.

Daniel : Comme elle connaissait bien sa vie, elle répétait des phrases. Cela nous enchaînait aussi avec l’Argentine.

Hervé : Je pense qu’elle cherchait un étayage avec la fonction sentiment, qui était développée chez elle. Et l’Argentine, c’était très fort chez elle.

Daniel : C’était difficile pour elle, car elle avait la langue italienne. L’italien revenait un peu. C’était le mercredi à 15h et quand je m’arrêtais pour parler avec Jacques, elle criait « je suis là, ça suffit ».

Hervé : Elle a toujours été professionnelle.

Daniel : Oui, avec les horaires. Cela m’arrivait aussi de parler de choses très personnelles.

Jean-Jacques : En quelles années elle a été médecin légiste dans la marine argentine ?

Hervé : Les années 60-70, je pense. Avant de venir en France fin 70.

Jean-Jacques : Au moment de la dictature militaire.

Virginie : C’est pour ça qu’elle est partie ?

Hervé : Je ne connais pas exactement la raison. J’ai plusieurs versions.

Daniel : A cette époque il fallait parfois quitter l‘Argentine d’un jour à l’autre à cause du régime militaire.

Hervé : Je lui ai posé franchement la question. Elle ne m’a jamais vraiment répondu.

Daniel : Il faut voir qu’elle faisait des travaux de sociologie dans des régions que les militaires n’aimaient pas. On suppose que peut-être elle a reçu une menace.

Patrick : Le coup d’état est venu en 76 et le centre de la torture était dans la marine argentine.

Hervé : Oui, à l’école de mécanique.

Daniel : Ce que je peux dire, c’est que, ce qu’elle faisait, était très sensible.

Patrick : La dictature argentine était plus dure que la chilienne. En Argentine, on balançait les gens des avions, puis il y a eu les mères de la place de mai. Je me suis toujours demandé comment les descendants d’italiens avaient pu être aussi cruels, car les italiens ne sont pas cruels. Il y avait le général Videla. Pendant la coupe du monde en 78, l’Argentine a gagné, Videla était content, pendant qu’on enterrait des gens qu’on tuait.

Hervé : Elle est partie d’Argentine, sans ses quatre enfants.

Patrick : Tu demandes un témoignage sur Graciela. C’est positif et négatif. En août 2014, je reçois un appel de Graciela que je ne connaissais pas, j’étais à Budapest. Elle m’a dit qu’elle avait entendu parler de mes conférences, elle m’a demandé de l’inscrire pour septembre. Elle n’est jamais venue et ne s’est pas décommandée. La prochaine fois que je l’ai vu, je lui ai dit « Madame, vous êtes incorrecte ». Elle a bien aimé que je lui fasse une remarque et on est devenus très « potes ». Un an plus tard, je n’aurais pas osé faire une remar-que, c’était une maîtresse femme, mais là je ne la connaissais pas.

Témoignages sur Graciela



Hervé : Quelqu’un a-t-il un témoignage à faire sur Graciela ?

Virginie : J’avais l’impression que Graciela était bien partie de l’autre côté. Il y a un moment qu’on la sent autour de nous, derrière nous.

Hervé : Je la sens présente quelque part.

Jean-Jacques : Je suis quand même venu, mais ma voiture est en panne, j’ai pris les transports en commun et je dois repartir dans une heure. J’ai dit à Hervé que je viendrai. Je n’ai eu que des embêtements aujourd’hui, ce matin je n’avais plus d’ordinateur. Après, plus de voiture ! Tout cela n’est rien du tout à côté de la santé. Je préfère cela à ce que j’ai vécu il y a 15 jours… J’ai un problème avec le fournisseur d’accès.

Hervé : Est-ce que quelqu’un a une question ?

Christophe : Qu’on n’ait pas fait de rêve, n’empêche pas de venir ?

Hervé : Non, bien sûr. Tu peux raconter quelque chose.

Marie-Christine : Surtout que le rêve a pu avoir lieu il y a 30 ans.

Marie-Caroline : On pourrait revenir à Graciela, comment on vit de-puis qu’elle n’est plus là, comment vous voyez les choses. Ressentez-vous un manque ou est-ce qu’elle vous aide ? Cela permettra d’honorer sa mémoire. Je pense que c’est important.

Marie-Christine : On n’a déjà fait un témoignage. La seule chose que je peux dire, c’est que je suis très à l’aise depuis son départ, car pour moi je pense qu’elle en était heureuse. Donc je n’ai jamais eu de dé-sespoir, parce qu’elle vivait quelque chose de très dur à supporter pour elle : ne pas pouvoir bien s’exprimer, ne pas être toujours entendue, alors qu’elle a passé sa vie à dire ses mots, à nous dorloter, accompagner les uns et les autres, et tous ceux qu’on ne connaît pas. C’était vraiment comme une punition, mais elle le prenait comme tel. Elle avait aussi cette qualité, de demeu-rer humble, d’accepter les choses, comme elles arrivent, mais pas de lutter contre, de faire avec. C’est un soulagement. Est-elle présente dans ma vie ? Eh bien, pas tout le temps. Mais si je suis perplexe sur quelque chose, j’ai le sentiment qu’elle peut me donner un chemin. C’est parce que depuis quelques années, l’invisible est visible pour moi. Je crois en l’invisible. Si on y croit, elle peut. Mais si on n’y croit pas, elle ne peut pas. Je pense que c’est personnel. Cela dépend des gens. Ce n’est pas parce que je suis Marie-Christine que Graciela aide Marie-Christine particulièrement. J’accepte l’invisible, mais pas uni-quement de Graciela. Cela peut paraître bizarre à d’autres.

Virginie : Comme tu parles de ça, j’aimerais bien que tu clarifies ce que tu dis. Comment tu communiques avec elle dans l’invisible ?

Marie-Christine : Comment te dire ? Pour moi, dans les gens qui sont dans l’au-delà, il y en a très peu qui m’importent. Mais pour ces derniers, ce n’est pas permanent du tout. Je peux rester plusieurs jours, plusieurs semaines sans rien du tout. Puis quelque chose apparaît. Soit je vais rire d’une blague. Je ne suis pas du genre à dire comment on fait, jamais. Je fais les choses les unes après les autres. C’est plutôt comme une complicité d’amitié. Je suis passée devant un restaurant qu’elle aimait bien. On y avait été avec Graciela. Moi je m’étais mis à parler avec une dame. Et le monsieur s’était mis à parler avec Graciela. Il était analyste, mais lacanien.

Hervé : Ah bon !

Marie-Christine : Nous avions vu un film, qu’il allait voir après. On avait tout en commun, c’était rigolo. Quand je passe devant cet endroit, je suis joyeuse. Ce sont des petites choses comme ça. Ce n’est pas dire à Graciela : « j’ai des paquets de problèmes, comment tu ferais ? ». Non ! Moi je la sens très joyeuse. Maintenant elle n’est pas loin, elle sera toujours là. En même temps elle est partie. Et j’espère qu’elle est partie très vite.

Hervé : Elle est libérée d’un certain nombre de choses.

Marie-Caroline : Jean-Jacques, comme tu pars rapidement, je propose que tu racontes ton rêve.

Témoignages sur Graciela



La synchronicité est un concept du célèbre psychanalyste suisse Carl Gustav Jung (1875-1961). Dans sa théorie de la psychologie analytique, la synchronicité est l’occurrence simultanée dans l’esprit d’un individu d’au moins deux événements mentaux qui ne présentent pas de lien de causalité physique, mais dont l’association prend un sens pour la personne qui les perçoit. Cette notion s’articule avec d’autres notions de la psychologie jungienne, comme les archétypes1 et l’inconscient collectif.

En d’autres termes, une synchronicité est la convergence de deux séries causales indépendantes et qui fait sens pour un individu qui en est partie prenante.

La théorie de la synchronicité de Jung est parfois considérée comme pseudo-scientifique, du fait qu’elle ne s’appuie pas sur des preuves expérimentales. Les critiques tentent d’apporter des explications issues de connaissances générales de la théorie des probabilités et de la psychologie humaine.

Mais en psychologie, il s’agit de sciences humaines où la valeur des preuves d’une théorie ou d’un concept ne peut pas être de même nature que dans le domaine scientifique. La matière première n’est pas la réalité physique des objets qui nous entourent mais le psychisme de l’être humain. Par ailleurs toute théorie scientifique, même confortée par des preuves dites scientifiques, ne vaut que parce qu’elle explique certains phénomènes, qui peut ensuite s’avérer approximative quand la précision des mesures augmente ou quand de nouvelles preuves relativisent les preuves initiales et finit par devenir obsolète. Elle est alors remplacée par une théorie plus adaptée à expliquer la totalité des faits considérés.

Il en est de même dans le domaine de la psychologie : une théorie ne vaut que si elle est opérationnelle vis à vis de faits psychiques observés, par exemple au travers du discours d’un patient et qu’elle ne peut pas être remplacée par les théories existantes. L’intérêt d’une théorie, en particulier en psychologie, c’est de comprendre et expliquer les faits et d’être opérationnelle (elle fait sens et permet la prévision d’autres faits psychiques).

Jung s'intéressait aux « thèmes » ou motifs archétypiques qui s'activaient chez ses patients. Il observait que s'organisent dans la vie des personnes des événements autour d'un thème — générant de forts affects, conflits, souffrances de tout genre — de manière que la personne se sente « prise » dedans. Avec ce regard attentif à la dimension archétypique de toute vie, Jung dit avoir constaté l'occurrence de certaines « symétries ou correspondances » entre ce que vit et éprouve un individu avec des événements de la réalité concrète. Plus précisément, les synchronicités renvoient dès lors pour Jung et ceux qui ont prolongé sa pensée à des coïncidences qui frappent l'individu comme profondément porteuses de sens.

La synchronicité est un processus psychique qui échappe à la logique et est produit par notre inconscient collectif, qui ignore le temps.

Afin d’illustrer la notion de synchronicité, le mieux est de vous raconter ma propre expérience, une synchronicité qui a modifié une séquence d’événements de ma vie et dont j’ai été le témoin privilégié.

Je devais partir en vacances d’été, comme je le faisais chaque année, vers une destination lointaine, à la mer. J’avais choisi librement et avec plaisir mon type et mon lieu de séjour. Et je me sentais prêt (et également près ?) pour partir, en devant prendre un avion. J’avais acheté mon séjour vendu par un opérateur de voyages dans une agence de voyages de quartier où j’avais mes habitudes.

Quand j’arrive au comptoir de l’aéroport, l’employé me répond qu’il n’y a pas de billet à mon nom. J’en suis très surpris car j’avais payé quelques jours auparavant le solde auprès de l’agence de voyages, qui m’avait tout confirmé. Après de nombreux échanges et malgré des tentatives d’appel de l’agence qui ne répondait pas, je finis par comprendre que l’opérateur n’a pas été payé par l’agence et par apprendre, un peu plus tard, que le responsable de l’agence de voyages s’est volatilisé avec la caisse sans ne plus donner aucun signe de vie.

Il se trouve que je vivais à mon travail une situation très particulière. Une collègue de mon service, que je croisais tous les jours, s’intéressait sérieusement à moi, tandis que de mon côté mon attitude et mes sentiments étaient complexes et ambivalents (j’étais à l’époque dans une sorte de confusion). Certes elle était attirante et apparemment célibataire. Mais quelque chose en moi, sans doute par immaturité mais surtout par peur, disait non. En bref une partie de moi, grandement inconsciente, n’avait pas envie de partir en vacances.

Bien évidemment l’agence de voyage n’était pas au courant de ma situation de travail. Mais deux séries d’événements ont convergé pour faire sens :

  • la fraude du responsable de l’agence de voyages, qui, en partant avec la caisse, m’empêchait de partir,
  • mon désir envers ma collègue, totalement inconscient, que je ne voulais pas quitter, a en quelque sorte « trouvé » un moyen pour m’empêcher de partir.

Pourtant ces deux séries d’événements étaient complètement indépendants, mais ils ont convergé pour créer du sens : faire remonter à ma conscience le désir qui m’habitait, comme un message fort, pour sans doute mieux l’analyser et mieux me confronter à la réalité pour en quelque sorte « m'ouvrir » les yeux.

Je suis quand même parti en devant payer une deuxième fois mon séjour. Je ne serai remboursé par une assurance que des années plus tard. C’est aussi bien plus tard que je comprendrai la dimension de synchronicité de ces événements. A l’époque je ne voulais pas voir en face le réel de ma relation avec cette collègue.

Ma psychanalyste, Graciela Pioton-Cimetti de Maleville, m’a toujours dit que chacun peut être témoin de synchronicité le concernant et qu’à force d’en être l’observateur, les synchronicités deviennent plus fréquentes et les reconnaître permet de mieux se connaître en améliorant le dialogue entre la conscience et son inconscient. C’est comme un outil supplémentaire offert à un individu pour construire son chemin d’individuation.

Je vous souhaite des synchronicités constructives.

1 : Un archétype, chez Jung, désigne une forme symbolique, universelle, appartenant à l’inconscient collectif, partagée par tous les humains. Il faut entendre les archétypes comme des préformes vides qui organisent la vie instinctive et spirituelle, et structurent les images mentales (pensées, fantas-mes, rêves...).

Hervé Bernard



Jung avait une vision du monde très élargie notamment par la découverte intellectuelle qu’il avait faite des philosophes et spiritualités orientales. Dans sa biographie il raconte que lorsque des émotions fortes le submergeaient, il pratiquait le yoga afin de retrouver le calme intérieur et ainsi pouvoir continuer son lien avec son inconscient.

***

Après la lecture du Yi King, il s’exerce à un exercice proposé par ce livre qui est sans doute le plus vieux livre divinatoire du monde. A savoir : on lance 6 fois de suite de manière aléatoire des tiges de roseau, on tombe sur l’un des 64 hexagrammes que propose le Livre. Chacun d’eux donne une réponse de sagesse. Il constate alors d’indéniables résultats, des réponses pleines de sens avec ses propres pensées. Très intrigué il tente l’expérience avec ses patients, et les résultats obtenus sont tout aussi probants.

Jung avait déjà remarqué que parfois il y avait des phénomènes psychologiques parallèles ou des coïncidences, en apparence sans lien de cause à effet mais, reliés par autre chose.

Il en déduit alors, qu’il existe un phénomène encore inexpliqué selon lequel deux évènements peuvent être reliés entre eux, de manière non cau-sale, mais par du sens. Le Hasard ? Une merveilleuse coïncidence ? Jung va donner un nom à ce phénomène, il appellera cela « synchronicité »

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La synchronicité, en résonance avec ses propres travaux sur la psychologie de l’inconscient, s’accordera parfaitement avec sa thèse sur l’inconscient collectif et les archétypes.

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Chacun peut s’entraîner, tout d’abord, à remarquer des synchronicités, et pourquoi pas les écrire pour s’en souvenir et ensuite réfléchir à leur interprétation. Chaque synchronicité est unique et son sens dépend entièrement de la personne qui la vit. La bonne réponse est celle qui aura une résonance en vous. Ce qui est sûr c’est que les synchronicités se montrent dans un langage symbolique.

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Ce nom commun ne figure pas dans le dictionnaire, il y a uniquement l’adjectif synchrone mais dans votre moteur de recherche sur le Net vous avez une définition : Qualité de ce qui est synchronique, de ce qui se passe en même temps. (Psychologie)

Occurrence simultanée d’au moins deux évènements qui ne présentent pas de lien de causalité, mais dont l’association prend un sens pour la personne qui les perçoit

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Concrètement une synchronicité se définit par deux ou plusieurs évènements sans cause physique ou logique et paraissent comme inexplicables, voire « magiques ». L’exemple donné est :

« Je pense à quelqu’un que je n’ai pas vu depuis 10 ans et je reçois son appel téléphonique dans l’heure qui suit ». C’est une occurrence simultanée de deux évènements sans lien de causalité mais dont l’association prend un sens pour la personne qui le vit.

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La synchronicité n’est pas scientifique, ni magique, elle se produit, se constate et psychologiquement son sens peut vous aider, vous guider vers vos profondeurs, un peu comme dans vos rêves.

Sources :
· Une vie de Carl Jung
· Jung un voyage vers soi, de Frédéric Lenoir
· Définitions dans Google

Marie-Christine Noir



L’anima, l’animus : que veulent dire exactement ces mots ?

Selon Carl Gustav Jung ce sont des archétypes présents dans l’inconscient collectif du sexe opposé.

Le couple anima-animus joue un rôle important dans la « psychologie des profondeurs » de Carl Gustav Jung.

L’animus chez la femme a son pendant chez l’homme : l’anima.

Ces deux parties sont des facteurs de relations entre l’inconscient et le Moi et entre les pôles opposés masculin-féminin.

Ces archétypes se manifestent tout au long de la vie, projetés inconsciemment, d'abord sur le parent du sexe opposé, puis sur les personnes rencontrées auxquelles sont alors prêtées les caractéristiques de cette image.

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L’anima est la partie féminine de l’homme, c’est une personnification de ses tendances féminines, une image innée de la femme chez l’homme ou comme étant la femme en l’homme.

La féminité est souple, pénétrée, irrationnelle, intuitive, sentimentale, douce, tendre et accueillante.

L’homme devant cette définition pourrait la rejeter a priori car elle pourrait être synonyme de faiblesse. Mais il n’en est rien car sans un anima ordonné, sans le potentiel exploité de cet anima, l’homme serait un fruit sec et dur. L’Anima est le radar de l’homme qui en fait un être équilibré qui est à la fois actif et souple, relationnel et intuitif, dur et tendre, agressif et accueillante etc.

L’animus est la partie masculine de la femme renfermée dans son inconscient, c’est une personnification de ses tendances masculines.

La masculinité est active, pénétrante, perçante, fécondante, agressive, relationnelle, pensante et dure.

L’acceptation de cet état de fait aussi difficile pour la femme que pour l’homme, conduit aussi à un aboutissement des réalisations de soi par le processus d’individualisation. Une femme équilibrée est à la fois tendre et active, intuitive et relationnelle, etc.

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L’anima et l’animus se forment (ou se déforment) selon ce qu’ils deviennent au cours de la vie quotidienne. Ces archétypes entraînent de nombreuses répercussions, ils peuvent conduire à des chimères, à des réussites comme à des catastrophes en amour, au sein d’un mariage, dans le choix de sa profession, etc.

Présent dès l’enfance, au fur et à mesure que l’être se différencie d’avec ses parents, l'animus et l'anima introduisent l’image du sexe opposé et se développent grâce au contact avec celui-ci en permettant à l'individu une compréhension éclairée de l'autre et de soi-même. Bien intégrés, ils servent de contact avec notre monde intérieur, avec le Soi, négatif ou positif.

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Pour la fille : l’animus dépend du père ou de la sensation qu’éprouve la fille envers son père. En effet pour la fille, le père est le premier grand mâle symbolique qu’elle rencontre dans sa vie. Le père est un symbole de puissance, d’infaillibilité, de connaissance, d’avenir, symbole du social et de l’art de s’imposer. Dans sa vie extériorisée, de l’image qu’elle a de son père, de la façon dont elle le ressent, de la connaissance profonde qu’elle a de lui, dépendra sa vie future dans ses relations amoureuses ou dans d’autres dimensions de sa vie, etc.

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Pour le garçon : l’anima dépend de l’image de sa mère « pétrisseuse » qui va « colorer » le pôle féminin du garçon qui est au départ est une cire à peu près vierge et qui possède sa pure potentialité intérieure. La mère est l’image féminine primordiale. L’attitude profonde de la mère envers la vie sera captée par l’enfant. Inversement, l’anima sera fortement influencée par l’attitude du garçon envers sa mère qui peut être ressentie comme une puissance, bénéfique ? Absolue ? Positive ? Maléfique ? Négative ?

Ainsi l’anima du garçon dont l’âme est imbriquée dans celle de sa mère peut rapidement se déformer.

Pour le garçon, la vie se passe avec des visages féminins plus ou moins proches et plus ou moins fascinants ; les fillettes des amours enfantines que l’on n’oublie jamais, les sœurs, les cousines, les institutrices aimées ou désirées puis les femmes de passages, les actrices etc.

L’anima devient une entité chatoyante aux innombrables résonances mais dont celle de la mère demeure la résonance principale.

***

Conclusion : ce concept est primordial pour mieux comprendre qui nous sommes intrinsèquement et expliquer nos réactions, nos émotions face à nous-mêmes mais face aux autres, face aux hommes et aux femmes au gré de nos rencontres selon si on est un homme ou une femme et, expliquer nos réactions, nos comportements, nos échecs et nos réussites dans de nombreuses situations.

Sachant que tout ce qui n’est pas intégré dans la personnalité risque d’être projeté, ces archétypes entraînent de nombreuses répercussions dans la vie quotidienne.

Mal équilibrés l’anima et l’animus peuvent nous conduire à des chimères, à des réussites comme à des catastrophes, dans la souffrance, dans l’angoisse, voire dans une grande détresse, voire même dans la dépression et dans des échecs en amour, au sein d’un mariage, dans le choix de sa profession etc, et au chaos.

***

La psychanalyse et l’analyse ou la « psychologie des profondeurs » comme le dit si bien Jung, peuvent nous permettre de comprendre nos faiblesses, nos dérives et nous conduire à une vie moins douloureuse, grâce à la compréhension entre autres de notre anima ou animus et à leur rééquilibrage, ce qui nous conduira à une vie beaucoup plus douce, mieux vécue dans nos rapports avec les autres et aussi et peut-être surtout avec nous-mêmes.

Dans le prochain numéro seront abordés des exemples pour expliquer les conséquences d’un anima et d’un animus, négatif ou positif, dans la vie.

Virginie Delabaere




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